06/09/2025 à 08:53
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Il s’appelle Evan Hansen et est un véritable phénomène dans les pays anglo-saxons. En France, personne ne connaît son nom… Enfin pour le moment. C’est le défi que s’apprête à relever Olivier Solivérès, dramaturge et metteur en scène, qui collectionne depuis quelques années les succès. Son prochain, il l’espère, sera « Cher Evan Hansen », créé en 2015 et multirécompensé à Broadway. « Quand je l’avais découvert là-bas, j’avais pris une claque, autant en termes de scénographie que d’émotion », nous raconte-t-il. Son envie de faire découvrir ce spectacle au public français a rencontré celle de Michel Lumbroso, directeur du théâtre de la Madeleine. À partir du 3 octobre, cette salle incontournable du VIIIe arrondissement – où se sont produits André Dussollier, Fanny Ardant, Claudia Cardinale… – accueillera donc une comédie musicale. Une première. « Ce genre a longtemps été déconsidéré en France, mais c’est vraiment en train de changer », note Olivier Solivérès, qui, dès qu’il le peut, prend l’Eurostar pour découvrir les productions dans le West End londonien. « Je pense que l’on a désormais un vrai public pour ça, poursuit-il. Les gens veulent du spectacle plus que du théâtre, et la comédie musicale est un show total. »
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La preuve de ce changement ? Cette rentrée voit un nombre record de spectacles musicaux à l’affiche dans les salles parisiennes. Même des théâtres privés pas vraiment adeptes du genre commencent à s’en emparer, à l’instar de la Porte Saint-Martin qui programme, de septembre à octobre, « La petite boutique des horreurs », montée en 1982 à Broadway. Un hasard de calendrier, selon son directeur, Jean Robert-Charrier, qui voulait donner une seconde vie à cette version mise en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort, qui n’avait eu que neuf dates à l’Opéra-Comique en 2022.

Au même moment pourtant, au Théâtre de Paris, « Les producteurs », de Mel Brooks, revus et corrigés par Alexis Michalik, seront de retour, après y avoir triomphé de 2021 à 2023, avec Florent Peyre et Alexandre Faitrouni dans les rôles principaux. Et « Chicago », de Bob Fosse et Fred Ebb, s’installe au Casino de Paris, avec une distribution inédite, dont Shy’m.

Même les stars ne craignent plus de s’y frotter. Si auparavant il fallait aller recruter de l’autre côté de l’Atlantique des talents capables de chanter, de danser et de jouer la comédie, les artistes pluridisciplinaires sont désormais de plus en plus nombreux à Paris, où des formations spécialisées fleurissent. Comme le Cours Florent, qui a ouvert une classe consacrée au genre. « Mais, aujourd’hui encore, pour un casting à New York, 4 000 candidats se présentent. Alors qu’à Paris il n’y en a pas plus de 300 », tempère Patrick Niedo, expert reconnu sur le sujet, auteur de « Hello, Broadway ! ».
« Il n’y a pas de quartier consacré aux comédies musicales, alors que c’est le cas à New York et à Londres »
Deux salles parisiennes sont réservées aux comédies musicales. Le Lido, ancien cabaret des Champs-Élysées repris par Jean-Luc Choplin, est devenu une adresse incontournable pour les amateurs. Cet automne, on y applaudira des sœurs jumelles nées sous le signe des Gémeaux, avec un classique, cette fois made in France : « Les demoiselles de Rochefort ». Le théâtre Mogador, référence en la matière, continuera de proposer « Le roi lion », un carton depuis 2021, qui affiche un taux de remplissage insolent de plus de 90 %. On vient désormais de loin pour le voir. « Le succès incroyable du “Roi lion” en pousse aussi d’autres à s’essayer à ce genre », assure Patrick Niedo.
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Peut-être même à des créations originales, s’inspirant des canons anglo-saxons tout en conservant une spécificité française, moins statiques que ce que l’on a pu produire à la fin des années 1990 avec « Notre-Dame de Paris » ou « Les dix commandements ». Deux shows tirés du « Comte de Monte-Cristo » de Dumas verront ainsi le jour dans les prochains mois, l’un au Dôme de Paris, l’autre aux Folies Bergère. Tandis que le dramaturge Benoît Solès et le metteur en scène Julien Alluguette vont adapter « Le fantôme de l’Opéra » – à partir du 22 octobre au théâtre Antoine – dans une version différente de celle d’Andrew Lloyd Webber, qui triomphe à Londres depuis 1986.

Outre-Manche, les comédies musicales font office de seconde religion. En France, on est encore loin de ce niveau de dévotion. D’autant que rares sont les lieux à pouvoir accueillir des spectacles d’une telle envergure. « Le théâtre de la Madeleine n’était pas équipé pour “Cher Evan Hansen”. On a dû refaire toute la partie son de la salle avec un ingénieur habitué de Mogador », explique Olivier Solivérès. « Il faudrait construire de nouveaux théâtres dans Paris intra-muros, spécialement pour ça, projette Patrick Niedo. Une autre grosse différence, c’est qu’ici il n’y a pas de quartier consacré aux comédies musicales, alors que c’est le cas à New York et à Londres. » Cet amoureux des claquettes, qui fut danseur dans une vie antérieure, a d’ailleurs réalisé un autre rêve en cocréant les Trophées de la comédie musicale, dont la septième édition s’est tenue en juin au théâtre Mogador. Consacrant à sept reprises « Les misérables », excellente production vue au Châtelet en 2024, et qui partira sur les routes en 2026. Prochaine étape : « Que cette cérémonie soit reconnue par le ministère de la Culture, au même titre que les Molières et les César. Je pense que c’est en bonne voie », présage-t-il. Car, après tout, les comédies musicales se terminent souvent par un « happy end ».







