Jeudi soir, la Philharmonie a vacillé. Alors que l’orchestre philharmonique d’Israël, dirigé par le chef Lahav Shani, entamait son concert, à savoir le Concerto pour piano n° 5 de Beethoven, suivi d’une symphonie de Tchaïkovski, des spectateurs ont tenté d’interrompre à plusieurs reprises la représentation. « Israël assassin ! » a hurlé une activiste, avant de lancer dans la salle un paquet de tracts aux inscriptions « Pas de musique pour les colons, mort à l’occupation », comme le rapporte Télérama.
Peu de temps après l’évacuation de la spectatrice, deux autres interruptions se sont succédé, cette fois-ci à l’aide de fumigènes. Certaines personnes du public se sont interposées et des affrontements ont eu lieu. Une quinzaine de camions de police ont été déployés devant la salle. Après l’évacuation des perturbateurs, le concert a pu reprendre.
Depuis, quatre suspects ont été placés en garde à vue, a annoncé le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez. La Philharmonie de Paris a condamné des « incidents graves » dans un communiqué, et a annoncé porter plainte. « Rien ne peut justifier de telles actions. Quelles que soient les opinions de chacun, il est inadmissible de menacer la sécurité du public, du personnel et des artistes », a estimé l’établissement, en insistant : « Aucun progrès ne peut naître de la violence. »
Le président du Crif, Yonathan Arfi, a quant à lui dénoncé « des agitateurs haineux » et a réclamé des « sanctions exemplaires » : « Les appels au boycott et les perturbations sont inacceptables. Ils n’empêcheront jamais les artistes ciblés par la haine de rencontrer l’ovation du public. »
Depuis plusieurs jours, la tenue du concert faisait l’objet d’une vive polémique. Dans un communiqué du 29 octobre, la CGT-Spectacle avait reproché à la Philharmonie d’accueillir l’orchestre israélien « sans rappeler à son public les accusations gravissimes qui pèsent contre les dirigeants de ce pays », évoquant « une entreprise de normalisation » d’Israël. Le syndicat ne prônait pas explicitement le boycottage, mais appelait à une contextualisation politique du concert.
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Plusieurs organisations (Urgence Palestine, Solidaires Sud Culture, Artistes pour la Palestine, BDS France, Snam-Île-de-France, Tsedek ! et UJFP) avaient auparavant appelé à sa déprogrammation. Dans la foulée, une lettre ouverte, publiée mi-octobre sur Mediapart, réclamait l’annulation de la venue de l’orchestre, estimant que le fait de « maintenir ce concert, c’est entretenir l’impunité dont jouit l’État d’Israël ».
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À l’inverse, une autre pétition, signée par de grands noms de la musique classique, dont Martha Argerich, Natalie Dessay ou Evgeny Kissin, s’est élevée « contre le boycott », rappelant que l’orchestre « réunit des artistes de toutes origines » et que Lahav Shani « n’est ni diplomate ni propagandiste, mais musicien ».
Pour le chef d’orchestre israélien, il ne s’agit pas de la première controverse. Déjà en septembre, il se retrouvait déprogrammé du Festival de Gand, en Belgique, où il devait diriger l’orchestre philharmonique de Munich en ouverture de l’événement. Dans un communiqué, il avait alors accusé la direction du festival belge d’avoir cédé face « aux pressions politiques » : « Elle a exigé que je fasse une déclaration politique malgré mon engagement de longue date et publiquement exprimé en faveur de la paix et de la réconciliation. » Le chancelier allemand, Friedrich Merz, avait alors fustigé « le poison de l’antisémitisme ».
