Immobilier : pourquoi le logement ancien reprend des couleurs en Seine-Maritime et dans l’Eure alors que le neuf reste en berne ?

Des volumes de vente qui repartent à la hausse sur le marché de l’immobilier. C’est le constat que la chambre des notaires de Seine-Maritime et de l’Eure a présenté ce jeudi 16 octobre lors d’une conférence de presse. La tendance nationale se reflète dans ces deux départements normands.

Quelle est la situation sur le marché de l’ancien ?

Ce sont surtout les maisons anciennes qui se sont vendues entre juillet 2024 et juin 2025. + 4,1% dans l’Eure et + 6,9% en Seine Maritime. « Cette progression met fin à une série de baisses consécutives observées au cours des trois dernières années, marquant ainsi un premier signe de reprise du marché immobilier dans ces deux départements » notent les notaires.

Globalement, le prix des maisons est en baisse, particulièrement dans la région de Dieppe (-5,8%) et autour d’Evreux (-3,7%). Alors que certains secteurs comme Rouen (+ 4,5%) et le Pays d’Ouche dans l’Eure (+ 4%) voient leur prix augmenter. Les biens les plus recherchés sont les grandes maisons de 4 à 6 pièces et plus.

Du côté des appartements, les prix sont stables dans l’Eure et en léger recul en Seine-Maritime. Mais certains secteurs comme celui de Lyons-Vexin (+14,1%), le pays de Bray (+10,5%) et la vallée d’Avre, d’Eure et d’Iton (+8,8%) flambent. Ce sont les surfaces intermédiaires comme les trois pièces qui sont les plus prisées.

Enfin, la baisse des prix reste pour l’heure temporaire puisqu’au cours des cinq dernières années, les maisons anciennes (+13%) et les appartements anciens (+20%) ont vu leur prix fortement augmenter.

Pourquoi cette reprise sur le marché de l’ancien ?

La première raison est sans doute une plus grande stabilité des taux d’intérêt.

« Les acheteurs ont digéré l’augmentation » explique Me Grégoire Ozanne, vice président en charge de la communication pour la chambre des notaires de Seine-Maritime et de l’Eure.

Globalement, les taux d’intérêt se situent entre 3 et 3,5% actuellement. Malgré l’augmentations par rapport à ce que les Français ont connu, cela reste des taux acceptables. Les gens ne sont plus surpris et acceptent donc de réemprunter à ces conditions.

Autre raison invoquée : des conditions d’accès plus souples pour le prêt à taux zéro depuis avril 2024. Les critères d’éligibilité ont été élargis et les barèmes de revenus revalorisés. Une réforme qui devrait avoir un impact positif sur le marché de l’immobilier pendant plusieurs années encore puisque le dispositif a été prolongé jusqu’en 2027 pour financer l’achat des primo-accédants.

Après trois années consécutives de baisse des ventes, les notaires constatent également une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. Les acheteurs ayant notamment accepté de revoir leur prix à la baisse.

Enfin, la pierre reste une valeur refuge aux yeux des Français. « Dans des périodes qui sont un peu troubles, d’instabilité, comme celles que nous pouvons vivre actuellement, les gens ont à cœur de se rassurer dans leurs investissements et donc d’investir dans l’immobilier. Et s’il s’agit de votre résidence principale, si vous en avez la possibilité, un toit est la première sécurité que vous accordez à vous et votre famille » éclaire Me Grégoire Ozanne.

Quelle est la situation sur le marché du neuf ?

Sur le marché du neuf, les douze derniers mois dénotent. Hormis dans l’Eure où la vente d’appartements neufs a progressé (+7,1%) entre juillet 2024 et juin 2025, les ventes de terrains à bâtir et les appartements neufs continuent leur chute. -26,4% de ventes de terrains à bâtir en Seine-Maritime et -14,8% pour les appartements.

Une situation catastrophique après une année déjà noire en 2024. « Le marché du neuf est totalement grippé à Rouen » assène la chambre des notaires de Seine-Maritime et de l’Eure. « Un tiers des opérations neuves a été retiré du marché, 25% de investisseurs ont disparu. Les dernières grues visibles dans les rues sont des projets lancés il y a plusieurs années. Quand ces chantiers seront achevés, nous aurons un creux important sur plusieurs années.« 

Pour quelles raisons les investisseurs dans le logement neuf ont disparu ?

La principale raison mise en avant par la Chambre des notaires est la fin des dispositifs fiscaux incitatifs comme le dispositif Pinel qui s’est achevé le 31 décembre 2024. « Ce système permettait à l’acheteur de bénéficier d’une incitation fiscale et d’un plafonnement de son loyer pour le locataire. Le dispositif Pinel a donc alimenté le marché du neuf et contenu le coût des loyers » détaille Aymeric Poupel, président de l’observatoire du logement neuf en Normandie. « Aujourd’hui, les investisseurs manquent de visibilité. Par conséquent, ça ne les incite plus à investir.« 

Quelles conséquences ?

Pour Aymeric Poupel, les conséquences sont d’abord sur le marché immobilier dans son ensemble. Moins de logements neufs disponibles, selon lui, signifie moins de mobilité professionnelle, donc des difficultés de recrutement pour les entreprises. Cela engendre aussi moins de mises en location pour les étudiants.

Au-delà, il y a un effet boule de neige sur l’économie et l’emploi.

Un marché du neuf qui se porte mal impacte directement les opérateurs de promotion et d’aménagement immobilière. Mais aussi de nombreuses entreprises : les bureaux d’étude, de conception et de réalisation, les entreprises du BTP, les déménageurs, les banques, les fournisseurs d’équipement de cuisine par exemple…

Quelles solutions ?

Pour le président de l’observatoire du logement neuf en Normandie, la réponse est claire : « il faut des dispositifs fiscaux qui réincitent les investisseurs à prendre des risques« . Grégoire Ozanne lui affiche un certain pessimisme : « je ne suis pas certain qu’une nouvelle mesure de défiscalisation soit votée tout simplement pour des questions de finances publiques« .

Surtout, les professionnels estiment qu’il faudra patienter près de trois ans avant qu’une telle incitation ait un effet d’entraînement. Le temps que les constructions neuves sortent de terre.