Ils ont posé nus sur les rives de l’Aisne. Ils ont planté des haricots devant les grilles du site industriel. Toujours aussi mobilisés contre le projet de création d’une usine de laine de roche près de Soissons, les membres du collectif Toxic Rockwool organisent une nouvelle manifestation ce samedi 4 octobre à 15 heures.
Le collectif Stop Knauf Illange a été invité à apporter son témoignage lors de la marche : dans cette commune en Lorraine, une usine de laine de roche de l’industriel allemand Knauf s’est installée en 2019. « Leur témoignage vaut tous les discours du monde » assure Karen Marchetti, présidente de l’association Stop Rockwool.
Danielle Sansalone est présidente du collectif Stop Knauf Illange. C’est elle qui prendra la parole à Soissons ce samedi. Opposée au projet depuis les premières réunions de 2018, elle habite à 300 mètres de l’usine installée dans ce village de 1 700 habitants, près de Thionville. « On vit dans une puanteur indescriptible, constate-t-elle. (…) Nous en sommes arrivés à ne plus sortir à l’extérieur et la puanteur rentre même dans les maisons avec les VMC. On a des irritations oculaires, cutanées, des maux de gorge : dès qu’on part, on n’a plus ces symptômes. On retrouve de la poussière de laine de roche dans les filtres de nos VMC, sur nos fruitiers, dans nos jardins.«
Danielle Sansalone fait maintenant partie de la commission de suivi du site, créée il y a un an. Elle y rencontre régulièrement l’industriel et les représentants de l’administration et est effarée par la fréquence des incidents.
« Ils en sont déjà à leur septième mise en demeure de la DREAL, il y a eu des condamnations pour atteinte à l’environnement, c’est hallucinant » souligne Danielle Sansalone. « Ils ont trois plaintes sur le bureau du procureur. En février, après une grosse explosion au niveau d’un filtre, d’énormes fibres de laine de roche ont envahi le village, ont rempli le stade de foot, l’aire de jeu » ajoute-t-elle. Un rapport d’inspection témoigne de l’incident. La DREAL (la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) a fait analyser la laine de roche par l’industriel, qui assure de son innocuité.
Mais cet accident est loin d’être isolé. Entre le mois d’avril et le mois d’août 2025, 33 épisodes de fortes odeurs incommodantes ont été signalés à la DREAL. « Ils sont toujours au-dessus des valeurs limites d’émission, au niveau des SOx, des CO2, du NOx. Il y a les envols de poussière. Il y a eu d’énormes dégazages, ils utilisent leur cheminée d’urgence à outrance« , continue Danielle Sansalone.
Au bout de six ans d’exploitation, ce que l’on vit est un véritable scandale sanitaire.
Présidente du collectif Stop Knauf Illange
Après 38 ans de vie à Illange, elle a mis sa maison en vente. Un « crève-cœur« , reconnaît-elle. Mais son bien, sur le marché depuis un an, ne trouve pas preneur. « On est tout proche du Luxembourg, avant, vous mettiez une maison à vendre ici, quinze jours plus tard, c’était vendu. Ça devient compliqué de vivre ici, mais on est pris en otage, même en dessous du prix du marché, nos maisons ne se vendent plus« , regrette-t-elle.
Malgré son désir de quitter la commune, Danielle Sansalone espère que l’industriel sera condamné et que l’État renforcera ses contrôles. « Ce n’est pas aux citoyens de se substituer à l’État. Ils doivent faire respecter les lois. Nous en avons ras-le-bol : nous sommes bénévoles, avons dépensé énormément d’argent et d’énergie pour cela alors que ce n’est pas notre rôle.«
C’est avant tout pour raconter ce quotidien anxiogène qu’elle se rend à Soissons, ce samedi 4 octobre : « C’est un combat qui est lié au nôtre : ces usines à poison n’ont rien à faire ni ici, ni ailleurs. Nous avons déjà un vécu, ce ne sont pas des supputations. (…) Au bout de six ans d’exploitation, ce que l’on vit est un véritable scandale sanitaire. Je vais essayer de témoigner, pour dire aux gens ‘mettez-y tout ce que vous pouvez’, car le jour où ils seront là, ce sera trop tard…«
Les Soissonais du collectif Toxic Rockwool ont visité Illange. « Nous avons été reçus par des gens qui vivent à trois kilomètres de l’usine : la dame dort avec un masque sur ses yeux car ils piquent en permanence. Elle prend un traitement antiasthmatique alors qu’elle n’avait pas d’asthme. Dans la maison, très bien entretenue, en passant le doigt sur le bord de la baignoire, on avait de la poussière de laine de verre« , se rappelle Marise Vasseur, médecin membre du collectif Toxic Rockwool, qui prévoit des « problèmes de santé publique » si l’industriel concrétise son projet près de la commune.
Alors que Rockwool a déposé une nouvelle demande de permis de construire pour le site de Courmelles, les opposants au projet continuent à mobiliser. « On est plus nombreux que l’on n’a jamais été, nous avons des nouvelles recrues et ce ne sont pas que des militants écologistes, des notables nous ont rejoints. 140 médecins ont signé notre manifeste, ça fait réfléchir. Il y a aussi 76 agriculteurs qui s’opposent au projet, dont certains sont des références au niveau local« , salue Genebaud Gerandal, membre du collectif Toxic Rockwool.
Ce 4 octobre, le thème de la manifestation est « tromperie, mépris« . « C’est une marche de l’indignation : on se rend compte que si on en est là dans ce projet, c’est que nos élus ont été trompés, l’information a été tronquée. Les élus nous assènent qu’il ne sort des cheminées de Rockwool que de la vapeur d’eau. C’est l’industriel qui leur a dit, mais c’est faux. Il y a aussi 800 tonnes par an de particules toxiques dont 100 tonnes de perturbateurs endocriniens. On est sidérés par le manque de recul de nos élus« , constate Genebaud Gerandal.
La présidente de l’association Stop Rockwool, Karen Marchetti, a d’ailleurs préparé un « florilège de phrases extraites de discours d’élus de l’agglomération, qui parlent de ce projet comme une merveille, sans en connaître aucun détail. » Elle espère que les élections municipales de 2026 seront l’occasion d’élire des représentants opposés au projet. Trois recours ont été déposés contre la nouvelle demande de permis de construire de Rockwool. Forts de l’exemple d’Illange, les membres du collectif soissonnais restent déterminés à mettre des bâtons dans les roues de l’industriel.