Par
Gil Martin
Publié le
26 sept. 2025 à 7h28
; mis à jour le 26 sept. 2025 à 9h07
Le préfet de l’Hérault dort-il sur ses deux oreilles en ce moment ? On peut en douter, tant elles doivent siffler. Suite à l’hallucinante épopée du commando d’extrême-droite qui a semé la terreur en toute tranquillité jeudi dernier dans les rues de Montpellier, en marge de la manifestation du 18 septembre, les critiques et les questions affluent. Elles sont aujourd’hui formulées par les parlementaires montpelliérains qui mettent sérieusement en cause la gestion de cet évènement par les autorités soupçonnées, pour le moins, de « passivité ».
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Dès vendredi 19 septembre, Métropolitain révélait cet épisode désolant qui s’est soldé par l’agression sauvage de plusieurs personnes dans le quartier des Beaux-Arts par ce groupe d’identitaires composé d’une trentaine de jeunes hommes vêtus de noirs, cagoulés ou masqués pour la plupart et ouvertement engagés sur le sentier de la guerre. Cet évènement n’a pas fini de faire couler de l’encre ou de la pellicule : une équipe de France 2 était aux Beaux-Arts ce mercredi 24 septembre pour rencontrer des témoins…
Des lycéennes insultées et menacées
Une journée chaotique qui a commencé jeudi en début d’après-midi lorsque le commando a commis un premier méfait en s’arrêtant devant les grilles du lycée Joffre, dont le portail était bloqué par un piquet de grève. Les élèves, et surtout les jeunes filles de cet établissement du centre-ville ont été copieusement insultés et menacés (« grosse pute », ou encore « vas te faire pousser les seins ») comme le prouve l’une des vidéos que nous publions. « Les élèves ont été humiliés et menacés par ce groupe très agressif et le proviseur a pris la sage décision de mettre les élèves en sécurité en fermant le lycée », raconte Audrey Marc, enseignante dans l’établissement qui a eu peur pour la sécurité des jeunes face au déferlement de violence verbale et gestuelle.
« Pourquoi, alors qu’ils multipliaient les escarmouches (notamment à la hauteur du Lycée Joffre) et que les agents de la BAC étaient présents, les forces de l’ordre n’ont pas réajusté les moyens pour contrôler ces individus, les arrêter ou les interpeller ? »
« Les élèves et le personnel du lycée sont choqués », assure l’enseignante, mais aussi dégoûtés « par le manque de réaction des forces de l’ordre : ils n’ont strictement rien fait », témoigne-t-elle, « Le proviseur a appelé le rectorat qui a informé les autorités. Des policiers de la BAC sont venus mais ils n’ont rien fait. Le groupe s’était décalé du portail, longeant les murs du lycée où ils sont restés en maraude près de deux heures, mais malgré les insultes et les menaces qui avaient été proférées, la police n’a rien fait : ni interpellation, ni véritable surveillance, absolument rien. Ils sont repartis comme ils étaient venus ».
« L’inaction » de la police interpelle
Une attitude qui interpelle les adultes du lycée. « On se pose tous la question : pourquoi la police a-t-elle laissé errer ces jeunes très agressifs près d’un établissement scolaire ? » poursuit Audrey Marc. « Pourquoi les laisser libre de leurs agissements alors qu’ils insultent de manière dégueulasse des jeunes filles ? S’agissait-il, en laissant libre-court à l’intimidation physique et à l’outrage, d’une stratégie inique pour que ce groupe d’extrême-droite mette fin au blocage du lycée ? » interroge-t-elle.
Exfiltrés de la Comédie et laissés libres
Après le départ de la police, le commando, vers 13h30, va se lancer dans une véritable « dinguerie ». Les jeunes extrémistes, groupés, vont remonter toute la place de la Comédie talonnés par plusieurs centaines de manifestants scandant « Tout le monde déteste les fachos ». Le groupe s’arrêtera sur les marches de la Fontaine des 3 Grâces, au bout de la célèbre place, encerclé par la foule. Le face à face spectaculaire, filmé par Métropolitain, sera très tendu et il faudra l’intervention des CRS vers 14h pour évacuer le groupuscule. Alors que les rues partant de la Comédie vers l’Écusson étaient fermées aux citoyens, on assistera à cette incongruité : le commando franchira la barrière de sécurité et se retrouvera en totale liberté de mouvement dans l’hyper-centre.
Le massacre prévisible au bout de la virée
Contactée par Métropolitain, la DIPN (police nationale) confirmera que ce groupe hostile n’aura fait l’objet d’aucune surveillance particulière une fois passé le barrage filtrant. Résultat de cette inexplicable situation : la meute en roue libre refera surface vers 15h30, sortant de l’Écusson pour pénétrer dans le quartier des Beaux-Arts où elle déclenchera une bagarre sur la terrasse d’un café. Les vidéos de l’épouvantable scène (diffusée également par Métropolitain) montre les identitaires s’acharner lâchement à plusieurs sur un homme jeté à terre et qui devra d’ailleurs être admis aux urgences avec plusieurs fractures.
Des parlementaires montent au front : « Y a-t-il eu une mauvaise évaluation de la dangerosité ? »
Là encore, le rôle des autorités et des forces de l’ordre fait débat. Où était la police, où étaient les CRS ? Des questions que posent sans détour deux parlementaires montpelliérains, la députée Fanny Dombre-Coste et le sénateur Hussein Bourgi dans un courrier brûlant adressé au Préfet de l’Hérault et que nous reproduisons : « Plusieurs questions nous sont posées », indiquent-ils :
1) Après avoir multiplié les provocations devant le lycée Joffre et sur la place de la Comédie, ce commando a pu sans aucune difficulté quitter le centre-ville et déambuler sans aucun contrôle jusqu’à la place des Beaux-Arts. Pourquoi les forces de l’ordre n’ont pas escorté ce groupe jusqu’à son éloignement et sa dispersion comme ils le font avec d’autres groupes (comme les Black Bloc par exemple) ? Pourquoi cette asymétrie dans la doctrine ? Y a-t-il eu une mauvaise évaluation de la dangerosité de ce groupe d’extrême droite ?
2) Pourquoi, alors qu’ils multipliaient les escarmouches (notamment à la hauteur du Lycée Joffre) et que les agents de la BAC étaient présents, les forces de l’ordre n’ont pas réajusté les moyens pour contrôler ces individus, les arrêter ou les interpeller ? Nous devons vous préciser que ce commando est resté à proximité du lycée Joffre pendant plus d’une heure en toute impunité ! À cet égard, nous saluons le sang-froid de monsieur le proviseur du lycée Joffre dont la réaction a été exemplaire puisqu’il a mis à l’abri tous les usagers de son établissement, leur évitant le pire.
3) Nous nous interrogeons sur la passivité des forces de l’ordre présentes devant le lycée. Ont-elles sollicité des renforts ? Si oui, les ont-elles obtenus ou pas ?
4) Si la dangerosité de ce commando avait été mieux évaluée (notamment lors de ses violences devant le lycée Joffre), il aurait été vraisemblablement mieux escorté et encadré, et la violente agression physique survenue sur la place des Beaux-Arts aurait alors pu être évitée.
« Face à la gravité des faits survenus, à leur développement dans les médias et à l’émotion qu’ils suscitent, nous avons besoin de comprendre ce qui s’est passé. Nous avons besoin de réponses aux questions qu’une partie de la population se pose très légitimement », concluent les deux parlementaires.
Nathalie Oziol saisit le procureur
Une troisième voix « nationale » se rajoute à celle des deux parlementaires PS : celle de la députée LFI Nathalie Oziol qui interpelle le procureur de Montpellier, Thierry Lescouarc’h, exigeant dans cette affaire effrayante une réaction ferme de la Justice. L’élue du Palais Bourbon souligne la série de provocations et d’agressions physiques et verbales qui ont balisé le parcours du commando, précisant que la meute, dans son périple sur la Comédie, a également molesté une femme appartenant à « l’Observatoire des Libertés » et projeté au sol un homme venu la secourir. Nathalie Oziol incite le procureur à ouvrir une procédure pour au moins trois motifs : outrage à caractère sexiste et sexuel (les lycéennes insultées sont mineures), violences volontaires en réunion et délit de participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations.
Le proc’ a ouvert une procédure
On ne sait pas si Thierry Lescouarc’h retiendra tous ces motifs mais il a déjà répondu positivement au maire de Montpellier. Suite aux évènements dramatiques du 18 septembre, et au déroulé stupéfiant de la dangereuse virée du commando, Michaël Delafosse a en effet saisi le procureur de la République en application de l’article 40 du Code de procédure pénale, demandant l’ouverture d’une enquête. Le procureur l’a entendu et a confirmé qu’une procédure est bien ouverte « pour identifier les auteurs et les circonstances des faits », a-t-il indiqué.
Des membres de la Butte Paillade ?
L’enquête devrait avancer assez rapidement car des membres du commando ont été identifié dès le 18 septembre. Et notamment un certain « Tristan V », membre du groupe Jeunes d’Oc et ex du service d’ordre de Génération Identitaire avant que ce groupe ne soit dissous… Et avec lui, des jeunes supporters du MHSC affiliés à la Butte Paillade, où la montée en puissance des extrémistes pose problème.
Une réponse du Préfet aux parlementaires ?
Le préfet de l’Hérault répondra-t-il aux parlementaires ? Une semaine après les faits, il n’y a pas que Fanny-Dombre Coste et Hussein Bourgi qui attendent de comprendre comment les choses ont pu se passer de la sorte… Les deux parlementaires évoquent les citoyens qu’ils ont rencontré et entendu, choqués par ce déferlement de violence, que ce soit les lycéens de Joffre, leurs parents et la communauté éducative, les habitants des Beaux-Arts… Et les victimes de coups et de blessures qui ont créé un collectif pour amener rapidement et avec force cette affaire devant les tribunaux.
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