Le dévoilement au public du nouveau circuit des tours de Notre-Dame de Paris a été un des temps forts de la 42e édition des Journées européennes du patrimoine, plus de cinq ans après l’incendie dévastateur et alors que la cathédrale connaît une fréquentation exceptionnelle.
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Complètement restaurée à l’intérieur, Notre-Dame est devenue le monument le plus visité de France, avec 8 millions d’entrées en l’espace de neuf mois. La barre des 13 millions de visiteurs devrait même être dépassée le 8 décembre 2025, un an après sa réouverture.
Des travaux complémentaires ont retardé la restauration du circuit menant tout en haut de l’édifice et qui a été totalement repensé. Le parcours de visite débute désormais au pied de la tour sud, la plus proche de la Seine. Cela réclame une bonne condition physique, puisqu’il faut gravir 424 marches pour accéder au sommet afin de profiter, à 69 mètres de hauteur, d’un magnifique panorama sur Paris et aussi d’une vue plongeante sur la flèche de Viollet-le-Duc reconstruite à l’identique.
Il y a tout de même des étapes, à commencer par la « salle basse » présentant des maquettes de la cathédrale et deux chimères originales rescapées de l’incendie. Et dans une ambiance sonore rappelant de grandes dates historiques de Notre-Dame, une autre salle à l’étage supérieur, la « salle des quadrilobes » dévoile la plus grande innovation : un escalier à double révolution de 21 mètres en chêne massif, traversant les poutres du beffroi et composé de 178 marches. Et c’est en descendant cet escalier que l’on parvient pour la première fois à ce qu’on appelle la « cour des citerne », entre les deux tours, pour apercevoir à travers des portes vitrées dans le pignon de la nef, la charpente médiévale restituée, la fameuse “forêt” de Notre-Dame.
Le nouveau parcours de visite d’une cinquantaine de minutes que propose le CMN, Centre des monuments nationaux, s’achève par la descente de la tour nord, accompagnée d’une création sonore et sans risque d’embouteillage, avec pas plus de 400 000 visiteurs par an, 50 000 de moins qu’auparavant. Moins de visiteurs et un tarif plus élevé. Le circuit des tours de Notre-Dame, réservable uniquement en ligne, est passé de 10 à 16 euros.
Entretien avec la présidente du CMN, Marie Lavandier.

Le circuit des visites des tours de Notre-Dame de Paris est métamorphosé, avec un nouveau sens de circulation ?
Ce n’est plus du tout le même circuit. Auparavant, vous montiez par des petits escaliers assez étroits d’ailleurs, en colimaçon en pierre, jusqu’au sommet de la tour nord et ensuite vous redescendiez par la tour sud. Aujourd’hui, c’est complètement le contraire. Nous découvrons ces tours par la tour sud, côté Seine, du côté du presbytère, sur la droite de Notre-Dame quand vous regardez la façade. Et nous pénétrons véritablement dans les entrailles de la cathédrale. Rappelons que ces tours n’étaient pas faites pour être visitées par les fidèles. C’était des locaux techniques, des locaux de travail.
Cela débute ici par une très, très belle salle du XIIIe siècle avec ces voûtes de pierre qu’on a appelé longtemps la « salle de musique ». Nous ne savons pas exactement quel était son usage. Nous y présentons un certain nombre de maquettes qui permettent aux visiteurs de comprendre à la fois l’histoire de la cathédrale, mais aussi ce qu’il va découvrir puisqu’effectivement le circuit est complètement renouvelé. Nous allons pénétrer à l’intérieur de ce qu’on appelle le beffroi de la tour sud. Un beffroi, c’est une charpente qui est créée à l’intérieur de la tour pour supporter les cloches. Nous allons tutoyer les bourdons, les très grosses cloches de la cathédrale. La plus grosse, Emmanuel, pèse plus de 13 tonnes et nous allons véritablement pénétrer dans cette autre cathédrale. La nef, c’est la cathédrale de pierre qui a rouvert en décembre. Et ici, vous pénétrez dans la cathédrale de bois. Alors, on a beaucoup parlé de la charpente, le grand comble qu’on appelle la forêt. Nous avons une vision dessus, depuis une cour qui n’était pas ouverte précédemment qui s’appelle la « cour des citernes », une véritable cour suspendue au-dessus de Paris.
« Le circuit est complètement renouvelé. Nous allons pénétrer à l’intérieur du beffroi, de la charpente créée à l’intérieur de la tour pour supporter les cloches »
Mais plus globalement, nous allons pénétrer dans ce beffroi de bois, à l’intérieur de la charpente, grâce à un véritable chef-d’œuvre qui a été dessiné par l’architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve : un escalier à double révolution qui permet de descendre et de monter sans jamais se croiser. Vous êtes donc à l’intérieur de cette sorte d’arbre qui soutient la tour Sud, avant évidemment de découvrir la vue absolument prodigieuse que la cathédrale de Paris offre sur la ville.

Et c’est aussi un moyen non seulement de découvrir la ville, mais de comprendre à quel point Notre-Dame en est véritablement le cœur et tutoie la plupart des très grands monuments, en particulier médiévaux. Je pense à la Sainte-Chapelle évidemment. Là, on voit très, très bien le dialogue qui avait un sens politique, instauré entre les deux flèches. On voit aussi très, très bien la flèche restaurée comme les chimères d’ailleurs qu’on voit autour de nous, ici, en « salle basse », une création de Viollet-le-Duc.

Il s’agit d’accueillir moins de visiteurs et d’une autre façon ?
Nous allons accueillir effectivement un petit moins de visiteurs que précédemment. Nous avions 450 000 visiteurs par an. Ce sera dorénavant 400 000, à comparer avec les peut-être 13 millions qui viennent visiter la cathédrale. Pour que le public ait de bonnes conditions de visite et que nos agents aient aussi de bonnes conditions de travail, nous avons choisi d’avoir un temps légèrement augmenté dans les tours. Cette autre façon d’accueillir les visiteurs dans les tours est fondée d’abord sur une muséographie. Vous le voyez, il n’y a pas beaucoup d’écrits. C’est intuitif, c’est visuel. Ce sont ces grandes statues de chimères. Il y a des maquettes qui s’illuminent en fonction des dates. Cette maquette en écorché explique très bien le parcours pour que vous compreniez à chaque moment où vous êtes. Des explications simples et du son aussi sur les grands moments de la cathédrale. Vous êtes plongés dans l’ambiance sonore qui a accompagné les premiers États généraux de Philippe Le Bel, le Sacre de Napoléon ou la Libération de Paris évidemment, des événements au cœur desquels les cloches de Notre-Dame, les bourdons de Notre-Dame ont joué un rôle.

« Vous êtes plongés dans l’ambiance sonore d’événements au cœur desquels les cloches de Notre-Dame ont joué un rôle »
C’est un flux qui est traité, mais un flux qui est nécessairement limité. C’est une offre exceptionnelle qui est offerte à un public effectivement pas si nombreux que ça et attention, sur réservation seulement. Avec entre un et deux visiteurs par minute pour que, à la fois, les visiteurs puissent circuler de manière continue et que le plus grand nombre possible puisse accéder à ces espaces qui sont très, très restreints. Il faut être en forme. L’accession au sommet de la tour sud représente 424 marches. Il faut donc être en forme. C’est un parcours frugal. Il n’y a pas de toilettes par exemple. Mais nous avons veillé à aménager des paliers. Nous avons veillé aussi à ce que, notamment pendant la redescente de ces plus de 400 marches, les visiteurs soient accompagnés par une création musicale sonore qui va, là encore, les ramener sur terre, en quelque sorte, après cette véritable montée au ciel que propose la visite des tours de Notre-Dame de Paris.

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C’est un voyage dans le passé et aussi dans les aventures récentes de la cathédrale ?
Absolument. Alors on le sait, c’est plutôt la tour nord que nous traversons là plus rapidement, qui a souffert de l’incendie. Pour autant, il y a eu des désordres aussi dans la tour sud. On a cette vision très, très nette sur la flèche qui a été entièrement reconstruite, sur la charpente entièrement restituée à l’identique. Et vous allez voir l’incendie se déclarer sur cette maquette et notamment rougir le cœur de la flèche.
« L’incendie intégré dans le parcours, parce qu’il fait dorénavant partie de l’histoire de la cathédrale »
C’est quelque chose qui est donc accompagné, parce que cela fait dorénavant partie de l’histoire et de la manière la plus forte, à la fois la plus cruelle et la plus belle possible de cette cathédrale. C’est quelque chose qui a été effectivement intégré dans le parcours. Et je pense que chaque visiteur qui va pénétrer ici dans les semaines qui viennent aura évidemment en tête ces images de la cathédrale qui brûle et la stupéfaction de redécouvrir, vue d’en haut, la cathédrale reconstruite et la cathédrale toujours en cours de restauration pour les extérieurs.

Moins de visiteurs par an, cela veut dire aussi des tarifs plus élevés ?
Depuis l’incendie, quelques années ont passé. Les tarifs, d’une manière générale, ont augmenté autour de nous. Je pense par exemple à la crypte de Notre-Dame de Paris qui est gérée par la ville de Paris où les tarifs ont légèrement augmenté. Cela a augmenté progressivement ailleurs. Ici, on peut avoir l’impression que cela augmente plus brutalement de 10 à 16 euros. Mais encore une fois, pour une offre qui n’a rien à voir avec ce qu’elle était précédemment et une expérience absolument unique. Cela nous a semblé un juste compromis entre la merveille de ce qui est offert et effectivement la nécessité pour nous d’accueillir moins de visiteurs et d’avoir un petit peu moins de droits d’entrée.
Le circuit des tours de Notre-Dame est une carte maîtresse du Centre des monuments nationaux, un atout majeur ?
Oui, c’est un atout majeur parmi nos 110 monuments. Il y a des têtes de réseau au Centre des monuments nationaux, ces très grands monuments, insignes pour l’histoire de la nation et là aussi pour l’histoire de la capitale. Ils sont absolument essentiels à la vie de l’ensemble de notre réseau et chacun au cœur des régions, chacun de nos agents est fier de pouvoir rappeler aussi qu’effectivement le Centre des monuments nationaux gère les tours de la cathédrale Notre-Dame. Ensuite, c’est le centre des monuments nationaux. C’est un très grand établissement public d’État, et avoir ces biens capitaux et ces biens de la capitale demeurent effectivement dans notre pays un signal fort de ce qu’est l’État. L’État n’est pas que Paris. L’État n’est pas que Notre-Dame de Paris. Mais évidemment, c’est absolument incontournable de les avoir.
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C’est un réseau qui est très particulier, qui se fonde sur à la fois des très grands monuments, notamment parisiens mais pas seulement, majeurs à la fois dans l’histoire de notre pays, mais aussi dans le tourisme qu’accueille notre pays. Je pense évidemment à l’Arc de Triomphe, au Panthéon, tout près d’ici à la Conciergerie, la Sainte-Chapelle évidemment et les tours de Notre-Dame. Mais je pense aussi en région au Mont Saint-Michel ou à Carcassonne qui sont véritablement des monuments du tourisme en France.
Cela permet d’animer tout un réseau de monuments, parfois plus petits, parfois très méconnus, parfois véritablement isolés au fin fond des territoires dont font partie le château de Bussy-Rabutin, le Château de Gramont, la forteresse de Salses et le village fortifié de Mont-Dauphin. Des sites militaires, des sites religieux et beaucoup de châteaux permettent d’émailler tout le territoire français et finalement de relier ces monuments en région et les grands monuments parisiens dans une histoire qui sait se raconter complètement.

Le circuit des tours, pour nous, c’est une locomotive. C’est une locomotive aussi parce que c’est un lieu où, bien qu’accueillant relativement peu de visiteurs avec un tarif bien ajusté, nous arrivons à un équilibre économique. En ce moment, c’est quelque chose qui est important à l’État de penser évidemment aux deniers publics, mais aussi de penser en permanence des équilibres différents. Le Centre des monuments nationaux, son principe économique, ce qu’on appelle la péréquation, c’est bien aussi d’avoir des grands monuments au-delà du symbole et de l’Histoire, pour pouvoir faire vivre et continuer à entretenir des petits monuments dans les territoires. C’est cela aussi l’État.
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