Une quinzaine de propositions différentes, 30 levers de rideaux, 15 événements gratuits, une création d’opéra, 500 artistes sur scène dont 40 amateurs et 50 étudiants… À l’heure des comptes, Raphaël Pichon a le sourire. La 4e édition de la biennale Pulsations (du 20 juin au 5 juillet), proposée avec son Ensemble Pygmalion, a réussi son pari. « Pourtant, on n’avait jamais pris autant de risques », souligne le musicien, âgé de 40 ans. « En dehors de la soirée d’ouverture (l’opéra-ballet ‘‘Les Indes galantes’’ de Rameau) et du concert au Jardin public (‘‘Mozart l’enchanteur’’ par l’ONBA), nous n’avons présenté aucun compositeur connu du grand public. Notre proposition est radicalement différente des saisons de programmation et le public nous suit, toujours plus nombreux. »
Le sens de l’audace
En s’ouvrant vers des esthétiques inhabituelles (le concert a cappella « Bodies » de la chanteuse folk Kat Frankie, au Rocher de Palmer) et parfois très radicales (l’hypnotique répertoire de Terry Riley interprété par des cornemuses, bombardes et binious), Pulsations a décloisonné les chapelles et confirmé son sens de l’audace. Comme la plupart des concerts, la création de l’opéra « La Passion grecque » du compositeur tchécoslovaque Bohuslav Martinů a fait salle comble. Et en clôture dimanche dernier, le « Stabat Mater » d’Henryk Gorecki – qui unissait pour la première fois l’ONBA et le Chœur de Pygmalion – a offert une immersion inédite dans la musique ; les spectateurs étant invités à s’asseoir au cœur de l’orchestre et du chœur.

S.C.J.
« Une des priorités de Pulsations, c’est de faire, de sites inattendus, des lieux emblématiques du festival : comme le vaste hangar de la Halle 47 de Floirac, malgré ses contraintes, ou les alcôves de la base sous-marine », poursuit Raphaël Pichon.
« Soyons ambitieux »
Conscient que « le rythme d’une biennale fait courir le risque de se tirer une balle dans le pied », Pulsations envisage une nouvelle temporalité : un rendez-vous automnal est à l’étude pour les années paires, en alternance avec le grand rendez-vous estival des années impaires. Un temps de festival condensé sur quatre à cinq jours à la Toussaint, qui permettrait de présenter d’autres formes, d’investir d’autres lieux… et de lancer des projets nouveaux – notamment en lien avec la pratique amateur – à développer pendant l’année scolaire.
« Une des priorités de Pulsations, c’est de faire, de sites inattendus, des lieux emblématiques du festival »
« Soyons ambitieux : notre Graal, c’est qu’un public de plus en plus varié nous fasse confiance et soit prêt à nous suivre dès lors qu’on lui propose de l’amener ailleurs, vers des choses inédites », poursuit Raphaël Pichon. « Souvenons-nous d’espaces de création et d’invention d’hier, comme le festival Sigma, berceau de l’art du happening : Pulsations peut porter plus haut la voix dans tous ses états, fédérer le public de la métropole et même rêver d’attirer à Bordeaux un public international. »
Dans les prochains jours, Raphaël Pichon et l’Ensemble Pygmalion s’installeront en Autriche, pour y créer un des grands événements du très prestigieux festival de Salzbourg : une nouvelle version, réinventée avec Wajdi Mouawad, de « Zaïde ou le chemin des lumières », un opéra rare et inachevé de Mozart, « une histoire éternelle sur la différence, l’offense et le pardon ».