Le vent s’est levé, et avec lui l’excitation des « riders », appellation consacrée des pratiquants. À l’aube, autour du petit-déjeuner, les visages s’illuminent : ciel dégagé, alizé puissant, marée idéale. Tous les voyants sont au vert. Une fois rassasiés, les kitesurfeurs rejoignent la plage de Palmar, leur terrain de jeu. Ils gonflent leurs ailes comme des voiles de pirate, ajustent leur harnais, fixent leur planche. Puis s’élancent, sous les regards médusés des spectateurs, à l’assaut du lagon mauricien. Certains s’envolent à dix mètres au-dessus de l’eau, d’autres filent à pleine vitesse, effleurant la surface comme des oiseaux de mer.
Parmi les figures de proue de ce ballet, six légendes du kitesurf mondial ont répondu à l’appel du C Kite Festival, organisé du 26 au 30 juin sur les plages de rêve de l’île. Valentin Garat, Gisela Pulido, Hannah Whiteley, Julia Castro, Louka Pitot et Tom Court partagent la même passion pour la glisse et l’esprit de transmission. Cinq jours d’échange, de démonstrations spectaculaires et de sessions partagées avec le grand public. « Je suis ravi d’être ici pour “rider” avec mes amis et retrouver cette superbe communauté », sourit Valentin Garat, quadruple champion de France de freestyle, pieds nus dans le sable et regard tourné vers l’horizon.
Derrière ce festival, Antoine Auriol. Originaire des Ardennes, élevé entre les embruns de la baie de Saint-Brieuc, il découvre le kitesurf au tournant des années 2000 alors que la discipline n’en est qu’à ses balbutiements. Coup de foudre immédiat. Dix ans plus tard, il est sacré champion du monde. Une consécration suivie d’un virage : Auriol quitte la compétition pour se consacrer au documentaire et à la transmission de sa passion. En 2022, il s’associe à l’hôtel C Mauritius pour créer cette nouvelle messe du kitesurf. Quatre éditions plus tard, le pari est gagné : « C’est un succès fou », confie-t-il au JDD.
L’idée, c’est de proposer une immersion totale
Antoine Auriol, organisateur
L’ancien champion a contribué à faire émerger le kitesurf dans l’Hexagone. Ils sont aujourd’hui plus de 40 000 à le pratiquer, des plages bretonnes aux côtes catalanes en passant par la mer du Nord. L’histoire du sport, elle, commence aussi en France. Dans les années 1980, deux frères bretons imaginent se faire tracter sur l’eau par une aile. Une décennie plus tard, un pionnier s’envole pour Hawaï avec l’un de leurs prototypes, y ajoute une planche de surf… et réussit son coup. Le kitesurf est né, porté par le vent et l’ingéniosité française.
Avec le succès grandissant, des écoles ont fleuri sur les littoraux français, encadrées par la Fédération française de voile qui a structuré la pratique et professionnalisé la formation. Parallèlement, les équipements ont connu une véritable révolution. Car derrière la grâce des figures aériennes, il y a aussi la brutalité des chocs. Pour encaisser les chutes, les marques ont développé casques, gilets renforcés, combinaisons dédiées. « L’idéal serait presque de porter un exosquelette, car le corps humain n’est pas conçu pour supporter de telles vitesses ni de tels impacts », estime Benjamin, directeur commercial d’une entreprise spécialisée dans la sécurité des riders et présent à Maurice.
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Sébastien en a fait l’amère expérience : un coup du lapin, souvenir cuisant d’une chute sur cette même plage de Palmar, qu’il redécouvre aujourd’hui à l’occasion du festival. Avec sa compagne Delphine, ils ont posé leurs valises sur « l’île paradis » il y a sept ans. Tous deux consultants en publicité, ils découvrent le kitesurf à la sortie du Covid, quand les cours d’apprentissage étaient bradés faute de touristes. Le déclic survient en 2022, lors de la toute première édition du C Kite Festival. « C’est en rencontrant les riders professionnels qu’on a vraiment plongé. Après ça, on a investi dans notre matos », se souvient Delphine.
Depuis, leur vie s’est organisée autour des vents alizés. « On bosse tout le temps… sauf quand il y a du vent. Là, on file “rider”. On a fini par caler notre vie sur les bourrasques », rigole Sébastien. Lui convoite de nouveau le podium dans la compétition amateur jugée par les professionnels. « L’an dernier, j’ai terminé troisième. Cette année, je vise mieux même s’il y a du niveau », prévient-il.
Mais le festival ne se résume pas à la glisse, loin de là. En marge des sessions, les participants découvrent la richesse de la culture insulaire : concerts de musiciens locaux, initiation à la cuisine créole, moments de partage sur la plage. « L’idée, c’est de proposer une immersion totale, un séjour où l’on multiplie les expériences », résume Antoine Auriol. S’il savoure le succès de cette édition – 700 personnes ont fait le déplacement –, l’ancien champion a déjà les yeux tournés vers la suite : « En 2026, j’aimerais qu’on soit encore plus nombreux, et qu’on accueille surtout beaucoup de débutants. C’est comme ça que notre sport vivra. »