Silence de cathédrale, concentration maximale, seul le cliquetis des horloges vient briser ce calme. Une quarantaine d’adolescents, âgés de 12 à 15 ans, participe au tournoi de leur collège, Agrippa-d’Aubigné, au nord-ouest de Saintes. Parmi eux, une poignée d’élèves, en situation de handicap, bénéficiaires du dispositif Ulis-TFC (1). Ils ont commencé il y a à peine six mois à apprendre ce jeu millénaire.

É. L./ SO
« L’animateur échecs », François Desportes, enseignant à la retraite, et Julie Martin, la coordinatrice Ulis-TFC au collège, « amis dans la vie », se sont accordés pour mettre en place un atelier hebdomadaire d’une heure, chaque jeudi. « Une demi-heure théorique, une autre de pratique », résume l’ancien instituteur, qui a démarré ce projet pédagogique en janvier avec le soutien du principal du collège.
« Calme et silencieuse »
« On ne savait pas jouer, on a appris avec eux, sourit Julie Martin. Ce sont des élèves qui ont des troubles de l’attention, de la mémoire, de la lecture, de l’écriture, du jugement… Les échecs sont une activité ludique, où il faut retenir des règles, se confronter à d’autres, développer une stratégie pour l’emporter. »
Ce mercredi, c’est un peu l’heure de vérité pour Shelby, Mathéo, Timéo, Bastien ou encore Manon. La première sort du 3e round avec le sourire. Elle vient d’empocher sa première victoire. « J’ai réussi à mettre en place mon plan de jeu, je suis restée calme et silencieuse », se félicite l’ado aux yeux bleus de 14 ans. Pour ce tournoi, pas de distinction, Ulis ou pas Ulis, chacun est là pour tenter de remporter le plus de victoires. « Ces élèves peuvent parfois être un peu stigmatisés, confie leur enseignante. Participer à ce tournoi, ça leur permet de montrer aux autres qu’ils ont des capacités. »
Timéo, lui, est coutumier des crises. « Là, il est resté calme toute la matinée, note Julie Martin avec satisfaction. Il suit les règles, sans s’emporter. Les échecs, ça développe leurs prises d’initiatives, leur apporte une autonomie de pensée. » Au bout du 4e round, Mathéo, 15 ans en 3e, en est à deux défaites suivies de deux victoires. « Le démarrage a été un peu difficile et puis là, ça va mieux », confie cet amateur du mat du berger, une technique qui permet de se défaire de son adversaire en seulement quatre coups.

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Concentration
François Desportes a beaucoup utilisé les échecs avec ses élèves de l’école de Saint-Georges-des-Coteaux. « Tous les jours, quinze minutes avant de faire des maths, sourit-il. Ça aide à se concentrer, c’est bénéfique pour le raisonnement. »

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À Agrippa-d’Aubigné, la petite bande a tout de suite adhéré au projet. « Quand j’ai à faire avec un élève, les autres prennent d’eux-mêmes les échiquiers pour patienter », se rappelle l’enseignante. Avec l’annonce du tournoi au printemps, leur classe est même devenue une salle d’entraînement lors des pauses déjeuners. « Certains élèves n’avaient jamais poussé la porte de cette salle, poursuit-elle. C’est bien, c’est une reconnaissance. »
(1) Unité localisée par l’inclusion scolaire pour des élèves ayant des troubles des fonctions cognitives.