Il n’est pas écrit que Garorock fête ses 30 ans à Marmande. Le festival, qui rivalise par sa taille avec les Francofolies de La Rochelle, pourrait plier bagage et s’installer à Bordeaux en 2026. La 29e édition, qui démarre du 3 au 6 juillet, pourrait bien être la dernière en Lot-et-Garonne. L’hypothèse circulait à bas bruit l’an passé. Bordeaux Métropole confirme des contacts avancés avec les organisateurs pour un – encore éventuel – déménagement à l’été 2026. Contrairement à ceux de l’an passé, les contacts de ces dernières semaines ont dépassé le stade de la déclaration d’intention.
Les organisateurs comme la collectivité explorent différents aspects d’un potentiel contrat de mariage : conditions financières, capacité d’accueil, sécurité etc. Ils ne se sont pas encore dit oui. Christine Bost, présidente PS de Bordeaux Métropole, reste prudente : « Il faut que nous soyons très vigilants. Vis-à-vis des autres opérateurs locaux, en termes de programmation, il y a un écosystème à protéger. Mais aussi vis-à-vis de Marmande, qui tient ce festival depuis plus de vingt-cinq ans. Je rappelle que nous n’avons rien demandé, nous avons été sollicités », précise-t-elle.
Aubaine
Malgré les pincettes utilisées, l’hypothèse de voir Garorock s’installer à Bordeaux pourrait être une vraie aubaine pour la Métropole. Au 1er août, elle prendra en gestion directe le stade de Bordeaux (ex-Matmut). L’exploitation de l’enceinte de 42 000 places était au cœur d’un vieux conflit l’opposant à son exploitant, SBA (Stade Bordeaux Atlantique). La filiale de Vinci Fayat, les constructeurs, affiche 21 millions d’euros de pertes cumulées depuis le début de son exploitation en 2016. La descente aux enfers des Girondins de Bordeaux, relégués au niveau amateur, a donné le baiser de la mort au montage financier ayant concouru à la construction du stade. Après des années de bras de fer, de conciliations infructueuses, de menaces de procès, la Métropole et SBA ont fini par divorcer à l’amiable.
Conséquence, l’institution se prépare à découvrir un métier qu’elle n’avait pas en magasin : exploitant de stade. À la charge de la régie publique de trouver un modèle économique. Les Girondins continueront à y jouer. Ce vendredi, la fédération française de Rugby a annoncé la tenue de deux matchs des XV de France masculins et féminins. Mais voir s’installer un grand festival serait quasiment un don du ciel pour réussir là ou le privé a échoué.
Atouts
L’enceinte située dans le secteur de Bordeaux Lac affiche quelques atouts. Un stade multifonction aussi conçu pour accueillir des grands concerts. Ces dernières années, Muse, Indochine, Mylène Farmer, Depeche Mode s’y sont produits, de larges espaces pour accueillir villages et scènes sans conflit de voisinage, desserte par les transports en commun, présence d’un camping à quelques centaines de mètres, proximité d’un aéroport international pour acheminer les vedettes. Des aménités séduisantes. Mais pas que. Se pose la question des coûts pour l’organisateur, le groupe allemand CTS Eventim (1), qui a racheté le festival à Vivendi l’an dernier.
La dernière édition de Garorock à Marmande affichait un déficit dépassant le million d’euros. Avec un coût logistique pour construire puis démonter le site estimé à 5 millions d’euros. Après une première édition sous pavillon allemand, l’organisateur a fait savoir aux élus du Marmandais qu’il attendait un effort des collectivités pour pérenniser l’événement sur le site : construction d’aménagements permanents sur la plaine de la Filhole pour diminuer les coûts d’installation et de fonctionnement. Cet hiver, l’agglomération marmandaise planchait sur une extension du réseau d’assainissement collectif du site du festival. Enfin, les organisateurs veulent en finir avec les groupes électrogènes.
Esprit
L’image de Garorock qui tourne au gasoil n’est pas vraiment raccord, alors que les festivaliers sont invités à calculer leur bilan carbone. L’option d’un raccordement électrique du site à un poste source devait être étudiée avec RTE. Joël Hocquelet, le maire de Marmande indique : « Je ne suis absolument pas au courant. Je n’ai eu aucun contact avec les nouveaux propriétaires depuis l’été dernier. Le départ du festival serait regrettable. C’est un marqueur de la ville qui rythme le début de l’été depuis tant d’années. Garo fait partie de Marmande, et même si on ne peut plus se garer en ville pendant le festival, les Marmandais y tiennent. » Au-delà des aspects pécuniaires, une autre question ne manquera pas d’être posée : l’esprit « Garorock » façonné durant un quart de siècle peut-il survivre à un déménagement ?
(1) Contacté Ludovic Larbodie, directeur artistique de Garorock n’a pas donné suite à nos sollicitations.