« Le conseil des prud’hommes, c’est la cinquième roue du carrosse pour le ministère de la Justice », gronde l’union locale CGT de Saintes. En marge de la manifestation contre la réforme des retraites, jeudi 5 juin, le syndicat a voulu alerter sur la « situation catastrophique » de l’entité saintaise, en raison d’un manque de personnel au sein du greffe.
De 1994 à 2021, la justice du travail se rendait dans un site autonome, rue des Rochers. « Au moment du transfert au Palais de justice, le greffe comptait cinq personnes. Il est rapidement passé à quatre. L’an dernier, deux personnes hautement qualifiées sont parties à la retraite, sans être remplacées. Sur les deux qui restaient, l’une a eu un problème de santé. Le fonctionnement ne tenait qu’à un fil. Puis l’autre, qui est à temps partiel, s’est mise en arrêt maladie. Il n’y a que ces deux personnes qui sont formées pour le logiciel spécifique aux prud’hommes », rembobine la CGT.
Jugements en souffrance
Les dossiers déposés au tribunal ont bien été tamponnés, ce qui atteste de leur réception, mais ils « s’empilent sur un bureau ». Il y en a 71 dans ce cas. En attendant, des audiences tournent à vide. Autre souci, les décisions prises par les conseillers prud’homaux ne peuvent être officialisées sans la validation du greffe. « Des jugements qui devaient être rendus en mars ou avril ne seront prononcés qu’en septembre ou octobre », déplore la CGT. Le flux risque de s’accentuer dans un contexte économique qui se tend.
Anciens conseillers prud’homaux, Claude Sabourin et Michel Berger se souviennent de mesures mises en place pour réduire les délais. La « mise en état », favorisant la médiation et l’échange des pièces entre les parties, a permis de réduire les demandes de renvois. À Saintes, ces efforts ont payé avec un délai « très correct » de six mois en moyenne pour une première phase de procédure. « En fin d’année, les statistiques vont être horribles », prédit Alain Bozier, qui défend des salariés.
« Concours de circonstances »
Philippe Duhard tempère la situation. Le président du conseil, membre du collège employeur, se dit en phase avec son vice-président salarié, Patrick Pinaud. « Il y avait plus de personnes avant, mais elles avaient des tâches annexes, qui ont été enlevées. Selon le calcul officiel, vu notre nombre de dossiers, on a besoin d’un poste et demi. »
Il attribue ce passage délicat à « un concours de circonstances. Une personne, qui a été arrêtée trois mois, reprend la semaine prochaine. L’autre a repris à temps partiel. On a pris du retard sur l’enregistrement des nouvelles affaires, mais on va rattraper ce retard. Il n’y a pas d’audience en juillet août, j’espère que ce sera quasiment résorbé en septembre. On va faire le maximum pour que les choses rentrent dans l’ordre. »
« Il n’y a pas d’audience en juillet août, j’espère que ce sera quasiment résorbé en septembre. On va faire le maximum pour que les choses rentrent dans l’ordre »
Philippe Duhard souligne aussi la difficulté pour recruter du personnel spécialisé dans toute la France. La CGT en est consciente, rappelant son attachement au fonctionnement paritaire des prud’hommes, avec des délégués issus du monde professionnel, et l’appui indispensable du greffe.