Quel est le but de ce forum ?
À travers ce forum, nous souhaitons mieux comprendre et faire comprendre les troubles du neurodéveloppement et donc l’autisme, le plus fréquent parmi ces troubles. En France, un enfant sur cent est touché à la naissance ; aux États-Unis, ce chiffre est plus élevé, car il y a aussi des diagnostics plus efficaces, avec un enfant sur 34. Ce forum a pour but de partager les connaissances actuelles, avec les programmes et les données scientifiques. Nous faisons venir les meilleurs spécialistes mondiaux pour parler du sujet. Cette année, le forum est consacré à la culture et à l’inclusion. La culture est très importante en France. Nous avons rencontré un grand enthousiasme de la part des institutions culturelles que nous avons sollicitées pour préparer le forum. L’idée est de rechercher des solutions et trouver des partenariats, connecter les spécialistes entre eux pour mieux avancer.
Vous-même avez souffert dans votre famille d’une mauvaise prise en charge de votre sœur, elle-même autiste.
En effet. J’ai lancé ma fondation il y a vingt ans en me basant sur l’expérience que j’ai eue avec ma sœur autiste profonde et multi-handicapée. J’ai été très marquée par cette expérience et aussi par le manque de soutien pour ma mère, ma sœur, pour moi… Je travaille tous les jours avec mon équipe pour améliorer la qualité de vie d’autres familles comme la mienne.
Où en sont aujourd’hui les institutions culturelles avec l’autisme ?
J’ai été profondément inspirée par l’enthousiasme et l’implication des institutions que nous avons rencontrées, comme le château de Versailles, le musée du Louvre, l’opéra Garnier ou Bastille… Nous avons écrit à toutes les grandes institutions, et tout le monde a répondu. Certains ont déjà des programmes en ce sens, comme le musée du quai Branly-Jacques Chirac, Versailles ou l’association Culture Relax [qui œuvre à l’accueil des « handicapés complexes » dans les salles de spectacles, ndlr]. C’est un mythe que ces programmes sont très coûteux, alors qu’il existe des solutions qui ne nécessitent pas d’énormes dépenses. Nous avons prodigué des conseils simples et efficaces. La France fait d’énormes pas vers l’inclusion depuis quelques années. Ce 22 mai, le ministère de la Culture va ainsi lancer un guide en ce sens destiné aux institutions françaises et le présenter lors de notre forum. Le travail est en cours au niveau gouvernemental, il fait déjà partie de ses priorités. Toutefois, il reste beaucoup à faire. La culture peut être une plateforme préparant à d’autres changements dans la vie quotidienne des autistes.
Quelles sont les solutions ?
Ma sœur, à Nijni Novgorod [Russie], où elle vit, peut aujourd’hui aller au musée ou au cinéma, alors qu’auparavant, ces activités représentaient trop de stimulations pour elle. Nous avons travaillé avec des spécialistes pour mieux comprendre ce qui l’empêche de profiter de ces expériences. Au cinéma, elle va ainsi porter un casque pour diminuer les bruits autour d’elle. Au musée, tout en étant accompagnée, elle va d’abord regarder des photos, ou une carte sensorielle du bâtiment – elle est dotée d’une très bonne mémoire visuelle –, et se sentir ensuite rassurée [d’autres initiatives existent parfois déjà en France et ailleurs, comme les parcours FALC ou « Facile à lire et à comprendre » sur les sites Internet, des lunettes de soleil spécifiques, ou même des chewing-gums calmant l’anxiété, ndlr]. C’est un travail très individuel, qui passe aussi par la formation des agents d’accueil pour qu’ils sachent comment réagir par exemple à des crises, ce qui est déjà le cas au château de Versailles notamment. C’est important que les personnes neuro-atypiques bénéficient d’un vrai soutien de ce genre.
Qu’est-ce que cela représente comme effort pour les musées français ? Recruter du personnel spécifique ?
Pour moi, je pense que cela représente plutôt une formation des équipes ; mais aussi du matériel, et un travail de communication efficace en direction des familles avec des enfants autistes, pour qu’elles soient au courant de nouveaux programmes faits pour eux. Souvent, pour ces enfants très rattachés à leur famille – d’autant que 75 % des autistes ne parlent pas –, ces visites représentent une possibilité d’avoir une vie sociale, de sortir de leur zone de confort, ce qui compte pour eux. Les autistes et neuro-atypiques ont besoin de contacts, ils sont déjà très isolés.
Est-il possible de mesurer l’impact de la culture, de la musique, des expositions sur le comportement et l’évolution des autistes ?
Ce ne sont pas des thérapies en soi, mais il est certain qu’ils ont un impact thérapeutique. Ces expériences jouent sur l’équilibre, les relations sociales, le bien-être et, plus globalement, sur l’estime de soi de la personne autiste. C’est une façon d’enrichir sa vie un peu comme l’art le fait pour nous tous, mais parfois encore plus. Leur emploi du temps est souvent très encadré. Si ces expériences culturelles sont bien organisées, elles peuvent leur permettre de s’évader de leur quotidien, de rêver, et donc de se sociabiliser. C’est aussi cela, l’inclusion.
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5ᵉ Forum international « Créer du lien », sur le thème : « Vers une Culture inclusive : améliorer la qualité de vie des personnes autistes », jeudi 22 mai 2025, de 15 h 30 à 20 h 30, auditorium de LVMH, Paris, sur inscription.