Qu’est-ce qui compte le plus ? Le calendrier politique ou le calendrier judiciaire ? L’an prochain, Rachida Dati a déjà deux rendez-vous : en mars, avec les électeurs ; en septembre, avec les juges. Quel est le plus important ? En mars, donc, les élections municipales – les 15 et 22 mars, précisément ; la ministre de la Culture démissionnaire espère devenir maire de Paris ; depuis des années, c’est son combat. En septembre, son procès. Depuis hier, nous en connaissons les dates : du 16 au 28 septembre.
Publicité
Rachida Dati est renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris, pour corruption et trafic d’influence, dans l’affaire Renault-Nissan. L’accusation est grave : l’élue est soupçonnée d’avoir perçu 900 000 euros du constructeur, entre 2010 et 2012, quand elle était avocate et députée européenne. Presqu’un million d’euros, donc, sans travail réel en contrepartie, d’après les juges. Pour les magistrats qui ont instruit le dossier, l’activité de Rachida Dati au Parlement européen « s’apparente » en fait à du « lobbying « , incompatible avec son mandat et son métier d’avocat.
Depuis le début de cette affaire, la maire du 7ème arrondissement de Paris conteste, quant à elle, toutes ces accusations. Elle est présumée innocente. A son procès, dans un an, deux scénarios sont possibles : une relaxe ou une condamnation. Dans cette hypothèse – une condamnation – Rachida Dati pourrait aussi être jugée inéligible, comme Marine Le Pen, il y a quelques mois, avec une application provisoire. Si c’était le cas, elle devrait abandonner son mandat local, y compris si elle était devenue maire de la capitale. Pour elle, une catastrophe. Pour ses alliés, un casse-tête politique, dès aujourd’hui.
Un boulet judiciaire
Faut-il investir, ou pas, une candidate qui risque une telle condamnation ? Voilà la question, pour celles et ceux qui hésitent, aujourd’hui, à la soutenir. A court terme, Rachida Dati a de quoi être soulagée : elle ne sera pas jugée avant l’élection. Elle obtient un répit. Mais impossible de faire semblant : elle va traîner ce rendez-vous judiciaire comme un boulet, pendant toute la campagne. Et ses soutiens, aussi.
Sur qui peut-elle compter ? Son parti, les Républicains. Après un psychodrame, cet été, et un bras de fer avec Michel Barnier, tout le monde s’est arrangé. Rachida Dati a soutenu Michel Barnier qui voulait devenir député de Paris. Et Les Républicains l’ont investie, elle, pour les Municipales. Elle sera leur candidate face à la gauche.
Mais il lui manque un soutien essentiel : le parti de Gabriel Attal. Les macronistes vont-ils se ranger derrière elle ? Ils hésitent. Ils sont divisés. Ils pèsent le pour et le contre. Pour, la popularité de Rachida Dati, son expérience, sa détermination à gagner Paris – il y a cinq ans, face à Anne Hidalgo, elle avait échoué. Elle veut sa revanche… Contre, le comportement de l’élue parisienne, ses menaces contre des journalistes, ses attaques contre des magistrats, son attitude avec ses propres alliés. Et maintenant, la perspective de ce procès pour corruption. Le patron de Renaissance, Gabriel Attal, va devoir trancher, rapidement.
L’hypothèse Bournazel
Rachida Dati, ou rien ? L’ancien Premier ministre a deux autre solutions. La première ? Faire émerger un candidat maison. Depuis sa campagne catastrophique de 2020, Renaissance n’y est jamais parvenu. Pourtant, à Paris, il a beaucoup d’électeurs. Peut-il y arriver maintenant ? Plus le temps passe, moins il a de chance, même si Clément Beaune, l’ancien ministre, affirme qu’il est prêt à se lancer.
La deuxième solution ? Soutenir un autre candidat que Rachida Dati. Il existe. C’est Pierre-Yves Bournazel, soutenu par Edouard Philippe dans la capitale. L’ancien député de Paris est beaucoup moins connu que la maire du 7ème arrondissement. Dans les sondages, il est beaucoup plus bas. Mais il fait campagne depuis longtemps, et il engrange des soutiens. Il se définit comme « progressiste« . Ses discussions avec les macronistes s’accélèrent en ce moment.
Rachida Dati saura-t-elle s’imposer, malgré tout, malgré ce procès pour corruption ? De loin, tout cela peut ressembler à de la cuisine politicienne, à des manœuvres de pré-campagne. C’est le cas ! Mais avec un enjeu très fort. Le 15 mars, dans la capitale, qui sera au deuxième tour ? La gauche, pour l’instant, est divisée. Le centre et la droite aussi, dans une équation encore plus compliquée que d’habitude : la politique et la justice. Les deux.
À écouter
Rachida Dati et Carlos Ghosn renvoyés en procès pour corruption et trafic d’influence
Journal de 18h
15 min

