Ambra d’Aurelio est doctorante à l’université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA), en Béarn (64). Elle est basée à Saint-Pée-sur-Nivelle, au Pays basque voisin, et travaille au sein d’une unité mixte de recherche baptisée Écologie comportementale et biologie des populations de poissons (Écopiop), commune à l’UPPA et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Les équipes viennent de publier de nouveaux résultats en paléoécologie sur la capacité d’adaptation de la truite fario face aux changements climatiques lors du plus grand froid de la dernière période glaciaire (1).
Une belle résilience
« Il s’agissait de mieux comprendre ce qu’il s’est passé, comment les espèces ont réagi il y a 20 000 ans, précise Ambra d’Aurelio. Jusqu’ici, on ne disposait que d’échantillons modernes. Là, on a eu la chance de pouvoir travailler sur des vertèbres de truites communes datant d’environ 30 000 à 9 000 ans trouvées dans des chantiers de fouilles archéologiques en Espagne et en France. » Les sites se trouvent notamment dans les Asturies, en Cantabrie ou au Pays basque pour le côté espagnol et, en France, à Troubat, dans les Hautes-Pyrénées.

©A. Marquot/INRAE
Ce que les chercheurs ont découvert, c’est que la diversité phénotypique de la truite – c’est-à-dire l’ensemble de ses traits physiologiques observables – lors du dernier « maximum glaciaire » a été maintenue, et est comparable à sa diversité actuelle. Le patrimoine génétique de l’espèce n’a pas été affecté par la longue période de refroidissement.

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Le refuge glaciaire ibérique, au nord de l’Espagne et dans le sud de la France jusqu’à la Loire, semble avoir joué un rôle prédominant dans ce maintien en bonne forme du salmonidé. Comme ce fut le cas pour de nombreuses espèces animales terrestres et aquatiques. « La plupart des populations ont persisté dans des refuges glaciaires exempts de glace à partir desquelles elles ont commencé à coloniser les régions septentrionales à mesure que les conditions environnementales s’amélioraient au cours des périodes postglaciaires », apprend-on. Un bel exemple de résilience, dont aucune preuve n’existait jusqu’ici pour la truite fario.

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Éclairage sur le passé
« À l’avenir, ce type d’étude pourrait fournir des informations sur l’écologie et l’évolution des poissons, l’impact des changements climatiques passés sur la biodiversité intraspécifique et la dépendance humaine à l’égard des ressources halieutiques dans le passé », indiquent les chercheurs.
Le néophyte s’interroge donc : ces découvertes sont-elles transposables à notre époque, et pourraient-elles apporter un éclairage sur l’adaptation des espèces aux bouleversements climatiques en cours ? « Ce n’est pas évident, répond Ambra d’Aurélio. Mais ce qu’on a bien mis en évidence, c’est l’importance du refuge ibérique, qui a permis de maintenir une diversité, pour la truite comme pour d’autres espèces de poisson, d’ailleurs. »
(1) « Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology », volume 675, octobre 2025.