On a souvent tendance, un peu facilement, à réduire le travail de Soulages à ses toiles qu’il qualifie lui-même d’outrenoir. D’immenses aplats de peinture noire reflétant la lumière pour faire ressortir la couleur. Pourtant, non seulement il ne développera cette technique que dans les années 70, soit après déjà plus de 20 ans de carrière, mais en plus cette dernière est bien plus diverse et riche que cela. En effet, si le peintre laisse derrière lui plus de 1700 peintures sur toile, il nous a également offert plusieurs centaines de peintures sur papier (plus de 800, pour vous donner une idée), tout aussi stupéfiantes. Et ce sont ces dernières que le Musée du Luxembourg met à l’honneur à partir de la rentrée.
Ombre et Lumière
Soulages l’a revendiqué tout au long de sa vie : il n’existe aucune hiérarchie entre les différentes techniques qu’il a pu utiliser au cours de sa carrière. Plus encore, s’il est aujourd’hui très connu pour ses toiles, il a réalisé ses toutes premières œuvres sur papier, dès 1946. À l’époque, le peintre utilise le brou de noix, un mélange normalement dédié à la teinture du bois, pour tracer ses premiers traits. Très vite, en faisant jouer la couleur et le papier, il découvre un univers magique, fait de transparences et d’opacités.
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Une technique révolutionnaire pour l’époque, qui lui permet très rapidement de se distinguer de ses contemporains, et de s’ériger parmi les grands de l’art abstrait. S’il évolue par la suite, utilisant la gouache, l’encre ou encore le fusain, il ne se départit ni de son amour pour le papier, qu’il travaille jusqu’au début des années 2000, ni de cette poésie des formes si caractéristique de son travail. En résultent des œuvres aux nuances subtiles, jouant sur les reflets et les matières.
Noir, c’est noir
Pour la première fois, ces œuvres sur papier d’une intensité rare sont mises à l’honneur dans un musée parisien, excluant les toiles, esquisses et autres céramiques sur lesquelles a pu se pencher l’artiste. L’institution, située à 2 pas du premier atelier parisien de Soulages (aux alentours de Montparnasse), a fait le choix d’une scénographie simple, chronologique, pour mettre en lumière ces créations uniques. Sur les murs blancs, les papiers recouverts de formes noires se dressent ici et là comme des notes de musique sur une partition.
Pierre Soulages, Brou de noix sur papier, 1947 – Sammlung Domnick, Nürtingen avec Staatliche Schlösser und Gärten Baden-Württemberg © Adagp, Paris, 2025
Au total, ce sont 130 œuvres qui vous attendent ici, dont près d’une trentaine totalement inédites, pour retracer toute la vie de cet artiste hors norme, qui nous a quittés en 2024 à l’âge plus qu’honorable de 102 ans. Ponctuée de portraits et d’interviews, l’exposition nous donne à voir une autre facette de Soulages, tout aussi importante et entière. Au fil des salles, c’est toute la puissance graphique du maître de l’outrenoir qui s’expose, pour sublimer le travail de celui qui a passé sa vie à utiliser l’obscurité pour magnifier la lumière.
Soulages, une autre lumière
Musée du Luxembourg
19, rue de Vaugirard – 6e
Du 17 septembre 2025 au 11 janvier 2026
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