Vacances au Pays basque : à la rencontre des sorcières basques

Juil 25, 2025 | Saint-Pée/Biarritz

En 1609, suite aux fausses accusations portées par le seigneur Tristan d’Urtubie contre la municipalité de Saint-Jean-de-Luz, avec laquelle il est en conflit, le bon roi Henri IV charge Pierre de Rosteguy de Lancre, conseiller au parlement de Bordeaux, de traquer et punir « les sorciers et les sorcières qui infectent le Labourd [Pays basque français] ». Convaincu de la réalité de la sorcellerie, le magistrat, qui dit ne rien comprendre de la langue des Basques, sillonnera le Labourd quatre mois durant en quête de dénonciations opportunes et de témoignages arrachés sous la torture. Saint-Jean-de-Luz, bien sûr, mais aussi Hendaye, Ascain, Sare, Ainhoa, Hasparren, Saint-Pée-sur-Nivelle, Cambo-les-Bains… Aucun village n’échappe à la folle épopée de Pierre de Lancre, accompagné dans sa mission providentielle par une jeune « sorcière repentie » de 16 ans, Jeannette d’Abadie, originaire de Ciboure. Au terme de son périple, une centaine d’hommes et de femmes seront pendus et brûlés sur la place publique.

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Qui sont les sorcières basques ?

Profil de sorcière peint sur une pierre à Sare
Profil de sorcière peint sur une pierre à Sare
Photo Bertrand Lapègue

« Il s’agit ni plus ni moins d’une grave erreur de justice, comme il s’en est tant produit au cours de l’histoire. La vague de sorcellerie est une invention qui résulte d’une croyance largement répandue à l’époque », tranche l’enseignant-chercheur Beñat Zintzo-Garmendia, auteur du livre de référence « Histoire de la sorcellerie en Pays basque. Les bûchers de l’injustice » (éd. Privat, 2016). Il n’empêche, aussi saugrenus soient-ils, les écrits de Pierre de Lancre ont contribué à façonner le mythe des sorcières tel que nous le connaissons. Publié en 1612, son pavé de 600 pages au titre évocateur, « Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons », reste la bible de la sorcellerie. La bibliothèque du musée basque de Bayonne en conserve d’ailleurs un précieux exemplaire, qu’elle tient à la disposition des visiteurs dans sa salle de lecture du Château-Neuf. Dans cet ouvrage aux allures de thriller ésotérique, le magistrat est diablement précis. Il retrace sa longue enquête de terrain, jusque dans les moindres détails : l’organisation des sabbats sur les flancs de La Rhune et au pied de la Corniche basque, dans la bien-nommée crique Sorgin Xilo (« l’antre des sorcières ») ; la mauvaise influence de Necato, une présumée sorcière qui vivait dans une ferme nichée au cœur de l’actuel domaine d’Abbadia à Hendaye (Nekatoenea, sa maison, est aujourd’hui une résidence d’artistes) ; et même sa rencontre avec le diable en personne dans la chambre qu’il occupe alors au château de Saint-Pée-sur-Nivelle, rebaptisé depuis le château « des Sorcières »

.L’office de tourisme de cette commune propose justement cet été, les mardis à 17h ainsi que les jeudis à 11h, une visite guidée passionnante intitulée « Mythologie et sorcellerie, une face cachée de notre histoire ». L’occasion de rendre également hommage aux victimes de Pierre de Lancre en s’arrêtant devant le mémorial Oroitmina de Nestor Basterretxea, érigé à côté des ruines du château, mais aussi de découvrir le pont romain d’Utsalea, connu comme un lieu de résidence des laminak, ces êtres fantastiques issus de la mythologie basque souvent confondus avec les sorcières.

Où visiter des grottes de sorcières basques ?

Visite des grottes de Sare
Visite des grottes de Sare
Émilie Drouinaud/« Sud Ouest »
La sortie de la grotte de Zugarramurdi
La sortie de la grotte de Zugarramurdi
Émilie Drouinaud/« Sud Ouest »

Entre montagnes basques et navarraises, le magnifique pays de Xareta, à cheval entre France et Espagne, porte lui aussi les stigmates de cette période sombre. Les grottes préhistoriques de Sare offrent une belle entrée en matière avec un parcours de 900 mètres dans les entrailles de la terre accompagné d’un son et lumière évoquant la mythologie et aux croyances populaires locales. Ensuite, à 2 kilomètres de là à vol de balai, direction Zugarramurdi, un joli village réputé pour sa grotte, qui servit cette fois-ci de refuge aux sorcières persécutées par les autorités espagnoles. En 1610, 11 d’entre elles furent condamnées au bûcher par le sinistre tribunal de l’Inquisition. La principale cavité de la grotte a été creusée par un cours d’eau au débit abondant, appelé « le ruisseau de l’Enfer », lui donnant l’aspect d’une cathédrale minérale. Frissons garantis. Le musée des Sorcières, juste à côté, permet d’en apprendre plus sur l’histoire singulière de ces procès en sorcellerie « made in Spain ». Enfin, l’office de tourisme de Sare propose une randonnée frontalière accompagnée de deux heures, « Xareta, l’estive ensorceleuse », entre bosquets magiques et grottes mystérieuses. Impossible de ne pas tomber sous le charme !