Quarante ans déjà
Cette année, le festival Radio France Occitanie Montpellier fête son 40ᵉ anniversaire. Deux de ses fondateurs sont là ce soir au concert. Jean-Noël Jeanneney, l’historien et homme de radio et René Koering, le premier directeur du festival. La famille de Georges Frêche est présente, représentant le troisième visionnaire, le maire qui mit la culture au centre de son projet municipal, avec le souci d’en assurer un accès pour tous. Alors en 2025, le festival veut offrir le meilleur de la musique, car pour citer Maurice Fleuret : « la création artistique n’est pas l’ornement de la société, elle en est la conscience. C’est de cette conscience dont nous sommes désormais responsables ». Du 6 au 19 juillet 2025, le festival propose 90 concerts dans cinquante lieux différents de la métropole de Montpellier. Une trentaine de concerts sont en accès libre, dont le concert du 14 juillet.
Un Himalaya pianistique
Serge Rachmaninov ( 1873- 1943) a composé son Concerto pour piano et orchestre n°3 à l’été 1909, dans le calme de sa maison de campagne. Il sera créé le 28 11 1909 à New York, avec le compositeur au piano. Même pour le pianiste d’exception qu’était Rachmaninov, l’œuvre est d’une immense difficulté technique. Avant sa création, il a du répéter, sur un piano silencieux, lors du trajet en bateau qui le conduisait en Amérique. Le jour de la première il a du renoncer au bis, « car ses doigts ne le pouvaient plus ». Le concerto est interprété ce soir par le pianiste russe Daniil Trifonov, lauréat en 2011 du prestigieux concours Tchaïkovski de Moscou. Sa virtuosité est époustouflante, sa sensibilité très émouvante.
Ce concerto d’une grande unité. Lors des trois mouvements, les longues phrases mélodiques succèdent aux grandes vagues musicales, donnant à l’œuvre un souffle romantique puissant. Le piano tient une place prépondérante, mais l’équilibre avec l’orchestre est préservé dans l’interprétation de Daniil Trifonov et de Daniel Harding. Tour à tour, le piano dialogue avec l’orchestre, fusionne avec lui, mais aussi le combat. Rachmaninov écrivit à propos du 1er thème : « il s’est tout simplement composé lui même. Je voulais chanter la mélodie et lui trouver un accompagnement adéquat, rien de plus » Peut être, mais cette mélodie célèbre est vraiment divine, exposée par le piano dès les premières mesures. Et puis arrive la cadence, « ce moment fatidique où tout repose sur le soliste ». Elle est spectaculaire, avec des accords impétueux, une puissance sonore qui fait du piano un orchestre à lui tout seul, une difficulté technique maximale mais aussi des passages d’une grande douceur, mélodieux, émouvants. L’auditeur retiendra la longue introduction orchestrale du 2ème mouvement, très romantique, un peu mélancolique avant le déchaînement du 3ème mouvement. La vélocité règne, le rythme devient frénétique dans une cavalcade vertigineuse, jusqu’aux accords finaux.
Un poème symphonique et philosophique
Le poème symphonique est né vers 1850 sous la plume de Franz Liszt. Richard Strauss (1864- 1949) va s’en emparer et le modifier Le thème n’est plus un héros littéraire, une épopée ou un fait historique, mais devient une idée, un concept philosophique. Richard Strauss composa Ein Heldenleben, une vie de héros en 1897-98. Le héros est le compositeur lui-même, le poème symphonique raconte son passage à l’âge adulte, la prise de conscience de soi, mais grâce au talent de Strauss, l’œuvre touche aussi à l’universel.
L’auditeur le découvre d’emblée : cette musique est envoûtante par ses mélodies, par la richesse de l’orchestration. Daniel Harding dirige avec sobriété et élégance, son interprétation est brillante. Ce poème symphonique en six parties est vraiment très expressif, nous permettant d’imaginer la vie intérieure du héros. Il paraît fringant, sûr de lui lors de l’introduction. La troisième partie, La compagne du héros laisse une place prépondérante au premier violon. Nous sommes dans une symphonie concertante. La sonorité du violon de Nathan Mierdl est vraiment très pure, son dialogue avec l’orchestre superbe. Ce solo du violon symbolise l’épouse du héros, mais est aussi un chant d’amour. Il s’interrompt brusquement avec le déchaînement des cuivres et des percussions. C’est Le combat du héros, l’orchestre devient une fanfare joyeuse, exaltante, puissante, encourageant le héros. Mais ce combat était surtout intérieur. Le dernier tableau s’appelle Le renoncement et l’accomplissement du héros. Pour décrire le monde extérieur, la musique se fait tumultueuse, heurtée presque chaotique. Puis, elle s’apaise, un sentiment d’harmonie, de sérénité s’installe, les cuivres offrant un dernier hommage au héros qui a vaincu ses démons. Ainsi pour Richard Strauss, le retrait du monde serait le chemin vers l’harmonie intérieure. En tout cas le public a été enthousiasmé par ce somptueux poème symphonique et par la très belle interprétation de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.