En matière de musique baroque, l’école anglaise est nettement moins représentée en France que les écoles allemande, italienne ou française. Tout le monde connaît Bach ou Vivaldi. Lully est identifié au moins via la bande originale du film « Tous les matins du monde ». Mais on joue moins souvent Purcell ou Locke. On est donc content de voir le festival de Saintes ponctuer sa programmation 2025 avec plusieurs artistes d’outre-Manche.
Camille Delaforge au festival de Saintes : « Le baroque, un répertoire où je me sens libre »
Camille Delaforge, 37 ans, est l’une des étoiles montantes de la scène baroque française. Programmée par le festival de Saintes 2025, la jeune cheffe se produit avec son ensemble Il Caravaggio, mardi 15 juillet
Et ce, dès ce lundi 14 en matinée, avec l’ensemble Les Épopées et un programme Haendel-Purcell-Matteis, qui a mis en lumière les plus belles caractéristiques de cette école : foisonnement de mélodies, basses chantantes jouées au violoncelle, traces de danse populaires et, surtout, art de l’ornementation, cette façon d’habiller une note avec toute une série d’autres notes. Stéphane Fuget, le directeur artistique et claveciniste, ose une comparaison qui fait rigoler le public : « C’est comme si Macron s’habillait comme Louis XIV. Son caleçon serait orné de dentelles ! »
Jahier Laurent / SO
De la dentelle, il y en a plein chez Les Épopées. Les harmonies pétillent pour mettre en valeur la voix bouleversante de Paul-Antoine Bénos-Djian. On est dans l’exaltation des sentiments, la préciosité, le raffinement extrême, mais aussi dans une sorte de swing sur les tempos élevés. On a souvent dit que le jazz devait beaucoup à Ravel et Debussy, mais ses racines européennes puisent sans doute également dans le baroque. Les Épopées le laissent entendre, et l’atmosphère familiale de l’auditorium de l’abbaye fait le reste. Applaudissements fournis et remerciements émus de Paul-Antoine Bénos-Djian, trop content de se produire dans un tel contexte, « dans un lieu magnifique ».
Jahier Laurent / SO
Deuxième chapitre dans l’après-midi, cette fois à l’auditorium de la Cité entrepreneuriale où est proposée une programmation « Place aux jeunes ! ». C’est là que se produit le Poeticall consort, un trio de jeunes femmes tout juste sorties du conservatoire supérieur de Lyon et jouant un répertoire anglais à la charnière de la Renaissance et du baroque (Hume, Locke, Lupo, Simpson). L’écriture repose avant tout sur l’art du contrepoint – le fait d’associer harmonieusement plusieurs mélodies différentes – et, là encore, on trouve un sens poussé du chant.
Ces pièces ont beau avoir été composées spécifiquement pour les violes de gambe – basse, ténor, soprano (dans le baroque on dit « dessus de viole ») –, on a l’impression que les parties instrumentales pourraient être chantées. La sensation est renforcée par la façon dont les filles du Poeticall consort synchronisent leurs respirations sur l’attaque et l’articulation de phrases musicales élégantes et souvent émouvantes.
On est aussi touché par leur complicité, la manière dont leurs regards s’échangent, leur envie de construire quelque chose de beau ensemble. Et on ressort avec la satisfaction d’avoir découvert de nouvelles oeuvres pour la viole de gambe, au-delà de Marin Marais ou des folias espagnoles largement jouées par Jordi Savall. C’est bien, mais il n’y a pas que ça.