Saint-Pée-sur-Nivelle à la Une : pourquoi un centre de recherche d’hydrobiologie de l’Inra, spécialiste des salmonidés, s’y est installé ?

Juin 29, 2025 | Saint-Pée/Biarritz

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Né d’une fusion

Le centre d’hydrobiologie de Saint-Pée-sur-Nivelle est né de la fusion entre l’équipe de chercheurs installée depuis longtemps à Biarritz, spécialisée dans l’écologie des cours d’eau à salmonidés, et divers laboratoires décentralisés, dont le laboratoire de nutrition des poissons de Jouy-en-Josas (en région parisienne). Installé sur les bords de la Nivelle, le centre de Saint-Pée possède, à l’époque, des installations expérimentales d’élevage et deux piscicultures : l’une à Lees-Athas, dans la vallée d’Aspe, alimentée toute l’année par une eau de source à 8° ; l’autre à Donzacq (Landes), également alimenté par une source en eau à température constante, mais à 17° celle-là. Tout ceci offre de multiples possibilités d’expérimentation, d’autant que la diversité des sites naturels de la région – océan, cours d’eau de plaine et de montagne, étangs – permet l’application des recherches en milieu naturel.

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La vocation première de Saint-Pée a donc été l’écologie et l’aménagement des plans d’eau naturels. Des recherches ont été menées sur le sujet, aboutissant à une bonne connaissance du saumon de nos rivières et de son cycle. Ces études ont d’ailleurs permis de repeupler la Nivelle, dont la population de saumons a été fortement augmentée à l’époque.

Parmi les multiples recherches menées par l’équipe basque, à la fin des années 1970, figurent celles qui concernent la nutrition des salmonidés et leur sélection. L’alimentation est, en effet, un problème fondamental chez la truite, carnivore et donc très exigeante en protéines nobles. Ces protéines sont alors fournies par la farine de poisson. L’objectif est évidemment de réduire la part des protéines chères et de les remplacer autant que possible par des céréales afin d’abaisser les coûts de production.

Une première en France en 1975

Fin 1975, un nouveau résultat vient récompenser les efforts des chercheurs. Pour la première fois en France, deux saumons nés et élevés au centre de recherches hydrobiologiques de Saint-Pée-sur-Nivelle sont revenus à leur domicile, après avoir parcouru en deux ans l’Atlantique jusqu’au Groenland.

Le phénomène migratoire des saumons, vivant en milieu naturel, est connu. Lors de leurs observations, les chercheurs ont pu constater que les saumons de pisciculture, choyés et bien nourris, n’étaient plus aptes, une fois mis en liberté, à se défendre devant tous les pièges dressés par la nature. Le retour des deux saumons de Saint-Pée-sur-Nivelle, des femelles, a prouvé que les chercheurs locaux ont su adapter des conditions meilleures d’élevage pour la survie de ces espèces. Le couple avait eu la nageoire adipeuse coupée et c’est par ce moyen qu’ils ont pu l’identifier à son retour. Les deux femelles sont revenues jusqu’au bassin de leur naissance, et c’est là qu’elles ont pondu leurs œufs, environ 10 000, qui ont été recueillis pour incubation et éclosion.

Beaucoup d’obstacles viennent contrarier les saumons lors de la remontée des rivières.
Beaucoup d’obstacles viennent contrarier les saumons lors de la remontée des rivières.
Archives Agip

Un nouvel Aquapôle

Le 10 octobre 2013, à défaut de nouveaux locaux, les lieux rafraîchis – le site de recherche a essuyé plus d’une crue depuis sa construction en 1977 – et dotés d’une aile dédiée à la biologie moléculaire, ont été inaugurés. Cette rénovation a permis d’améliorer les conditions de travail des chercheurs, regroupés jusqu’alors dans une seule salle, ce qui entraînait parfois des problèmes de contamination. Ce nouvel espace offrait aussi la possibilité d’accueillir davantage d’étudiants étrangers, venus de Chine, d’Inde, des pays devenus gros producteurs de poissons d’élevage.

Ainsi doté, l’Aquapôle a pu continuer à produire des connaissances pour une gestion plus durable des populations de poissons. L’Unité mixte de recherche écologie comportementale et biologie des populations de poissons (Écobiop) étudie trois espèces sauvages : le saumon, la truite et l’anguille, en danger d’extinction.

À quelques kilomètres des laboratoires de l’institut senpertar, la station de contrôle d’Uxondoa permet à l’unité Ecobiop de suivre et étudier les poissons migrateurs, leurs comportements et leurs évolutions. Car la Nivelle fait partie des « rivières index » pour le suivi du saumon et voit passer de nombreux migrateurs.

En octobre 2023, dans nos colonnes, Mathieu Buoro, chargé de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) dans l’équipe Ecobiop de Saint-Pée-sur-Nivelle déplorait : « Cette année, nous n’avons eu que neuf saumons. On se dirige vers la plus mauvaise année que l’on ait eue depuis le début du suivi, en 1984. » Ce déclin aurait plusieurs explications, les barrages, qui entravent leur passage, la pollution et la pêche, ainsi que le changement climatique et la hausse de la température de l’eau qui peut influer sur leur reproduction, leur croissance et les rythmes saisonniers. À cela s’ajoute une diminution des ressources en eau, avec un débit moyen des rivières qui diminue, des étiages plus sévères et leur capacité à se déplacer réduite.

Le chercheur concluait : « Notre objectif est d’améliorer les pratiques de gestion des populations piscicoles et de leur environnement, afin de préserver les ressources naturelles et la biodiversité, mais aussi de prédire l’évolution de ces populations sous la pression des activités humaines. »