« La Russie commet des crimes de guerre contre le patrimoine culturel » : des conservatrices de musée ukrainiennes témoignent à Paris et Reims

Juin 28, 2025 | Paris

Si la France a versé 3 milliards d’euros d’aide militaire à l’Ukraine en 2024, son soutien ne s’arrête pas là. « Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la France s’est engagée à soutenir le secteur culturel ukrainien (…) avec un accent particulier sur la formation et les échanges professionnels », fait savoir le ministère de la Culture dans le cadre d’une opération originale, menée toute cette semaine.

Dix professionnelles ukrainiennes ont ainsi été accueillies à Paris dans le cadre d’un séminaire sur la protection du patrimoine en temps de crise, notamment lors de conflits armés. L’occasion de partager leurs expériences avec leurs homologues français, mais aussi avec le public.


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« Mardi, le Louvre était fermé au public, mais nous avons eu l’occasion de le visiter, c’était vraiment incroyable », s’enthousiasme Dariia Diakova, directrice adjointe du musée des Beaux-arts d’Odessa, présente à Reims (Marne), ce jeudi 26 juin, pour une visite du musée Saint-Remi et la participation à un exercice d’évacuation, encadré par trois militaires. « Le soir, nous avons témoigné devant 80 visiteurs sur l’héritage culturel ukrainien. Il y a eu beaucoup d’émotions, le public avait les larmes aux yeux. Ils ne s’attendaient peut-être pas à ça, car nous avons parlé de notre réalité : nous vivons toujours en temps de guerre. »

Dans son musée d’Odessa, ville bordée par la mer Noire, quatre vagues d’évacuation d’œuvres ont déjà été menées depuis le début du conflit. « Dans la nuit du 5 novembre 2023, les Russes nous ont bombardés », se souvient Dariia Diakova. « Notre système d’alimentation en eau potable a été endommagé et le musée a été inondé. »

La jeune femme est également directrice de Museum for Change, une ONG créée en 2017 dans le but de promouvoir les musées d’Odessa. Avec la guerre, sa mission a pris une autre dimension. « On cherche des soutiens, mais c’est difficile, car il n’y a plus beaucoup de gens qui travaillent dans des musées », regrette-t-elle. « La culture n’est plus une priorité, les crédits vont à l’armée, et c’est normal dans notre situation. Au début de l’invasion russe, on a fait appel à des volontaires pour évacuer, mais c’est désormais encadré par le ministère de la Culture. »

Celui-ci avait envoyé en France Maryna Okhrimenko, qui a écrit un article de recherche sur la protection de l’héritage culturel en temps de guerre. « On remercie la France de nous offrir ce soutien, ça va nous permettre de partager nos expériences », note-t-elle. « La Russie commet des crimes de guerre contre le patrimoine culturel ukrainien. C’est important de témoigner pour qu’un jour, la Russie réponde des crimes qu’elle a commis. »

Svetlana Yaremenko, conservatrice du musée de la bataille de Poltava, a été meurtrie dans sa chair par le conflit. « J’ai perdu mon fiancé », raconte-t-elle avec émotion. « Beaucoup de chercheurs et de conservateurs sont partis, sont morts ou ont perdu des proches. On doit continuer notre travail pour montrer l’exemple au monde entier. »