À partir de mercredi 25 juin, le grand public pourra vivre une expérience immersive unique en plein cœur de Paris, le long des quais de la Seine. Conçue par Timescope, une jeune entreprise française fondée il y a dix ans par deux amis passionnés d’histoire et de nouvelles technologies, cette promenade d’une heure invite à plonger dans 2 000 ans d’histoire de la capitale sans quitter la voie Georges Pompidou.
Le parcours, long d’environ 1,2 km, débute sous le pont Louis-Philippe, côté rive droite, et s’achève au Pont-Neuf. Par petits groupes d’une quinzaine de personnes, les visiteurs déambulent le long des quais, équipés de casques blancs et, suspendues autour du cou, d’étranges jumelles futuristes. Certes, l’allure n’est pas celle d’un touriste classique, mais cela importe peu. Il faut tourner sur soi-même, avec précaution, pour observer les détails des scènes reconstituées.
/2025/06/19/whatsapp-image-2025-06-19-at-16-38-19-68542709c205e825962639.jpg)
/2025/06/19/whatsapp-image-2025-06-19-at-16-38-19-68542709c205e825962639.jpg)
Ces casques ne restent pas constamment sur le nez : à chaque halte, on les enfile pour plonger dans une séquence immersive, un véritable voyage dans le temps, là où se sont déroulés les événements. Louise, la guide, accompagne son groupe d’une dizaine de personnes avec attention, veillant à éviter les accidents avec les cyclistes pressés ou les risques de chute dans l’eau, tout en laissant la magie des images et des sons opérer sans interruption. Ce matin-là, vers 10h30, une passante bien réelle croise le chemin du groupe : Anne Hidalgo en personne. Venue pour un autre motif, la présence de la maire de Paris ne faisait cependant pas partie du spectacle.
L’aventure commence dans ce qui fut autrefois un vaste marécage, à l’origine d’un célèbre quartier parisien, une terre humide et sauvage où s’est nichée la première ville, Lutèce. Le parcours traverse ensuite l’époque des Gaulois, puis celle des Romains, qui posent les premiers ponts et les fondations de Paris. Le réalisme est saisissant : on se surprend à regarder autour de soi, comme si les quais portaient encore l’empreinte de jadis.
/2025/06/19/pdg-16-9-v2-685424e9d9abc341882042.jpg)
/2025/06/19/pdg-16-9-v2-685424e9d9abc341882042.jpg)
De l’extérieur, l’attirail ne met pas en valeur celui qui le porte, mais derrière ce casque se cache un monde ressuscité. Le temps des cathédrales surgit, avec Notre-Dame dominant le paysage, avant que la peste noire ne jette son ombre terrifiante sur la ville. Des corps défilent silencieusement sur des barques, et l’atmosphère se fait lourde. Cette plongée dans la terreur médiévale contraste avec la vie quotidienne des Parisiens de la Renaissance ou des Années folles. Avec les façades à colombages des maisons médiévales, on en viendrait presque à regretter le Paris d’avant Haussmann, avec ses ruelles étroites, insalubres sans doute, mais débordantes de charme.
L’histoire devient presque palpable lors du siège des Vikings, entre 885 et 887. Les drakkars foncent sur les rives, et les murailles qui entourent Paris et bordent alors la Seine semblent surgir des eaux, et on ressent même l’angoisse de ces Parisiens assiégés.
Paris, c’est aussi une histoire de violence, incarnée par la place de Grève (aujourd’hui place de l’Hôtel de Ville), autrefois scène d’exécutions publiques. L’animation captive tellement que certains visiteurs en redemandent, « Bah mince, ils ont coupé avant la fin ! », lance ironiquement un participant à la fin d’une séquence. La Révolution est bien là, avec la voix d’Édith Piaf entonnant Ah ça ira ! qui résonne à la Conciergerie, où Marie-Antoinette a attendu la mort. Un clin d’œil subtil à un groupe de métal qui s’y est produit il y a un an, lors d’un événement appelé à entrer dans l’histoire et à inspirer les animations des siècles à venir : les Jeux olympiques.
Les séquences en réalité virtuelle, créées par une quinzaine de graphistes 3D, sont troublantes de réalisme. Elles plongent littéralement le spectateur, qui survole les toits, se trouve au pied des monuments emblématiques de la capitale ou déambule dans les rues étroites reconstituées avec une grande précision. Ces vidéos, élaborées avec soin à partir de plans cadastraux, des archives de la BNF et grâce au travail d’un comité scientifique dirigé par l’historien Géraud Létang, offrent une immersion à la fois ludique et pédagogique, accessible aux enfants dès l’âge de 8 ans.
Graziella, trentenaire parisienne habituée aux immersions, souligne l’impact de l’éclairage public sur la vie urbaine : « C’est vraiment super réaliste ! On voit à quel point l’arrivée des réverbères a sauvé les femmes. Avant, la nuit était un territoire dangereux. La lumière a libéré la ville, changé les usages, sauvé des vies. » Ce détail révèle combien l’expérience mêle histoire, émotion et réalité humaine.
La valeur ajoutée de ce projet réside dans cette déambulation conjuguée à une démarche pédagogique rigoureuse. « Cette expérience hybride, mêlant réel et virtuel, permet de confronter les multiples visages de Paris, celui d’aujourd’hui et ceux d’hier. Nous allons bientôt l’ouvrir aux scolaires, car les demandes sont nombreuses. C’est un outil pédagogique, même pour un Parisien connaissant bien sa ville : sa perception s’en trouve transformée« , explique Adrien Sadaka, fondateur de Timescope.
On sort de cette expérience avec le sentiment d’avoir pénétré un Paris disparu, invisible à jamais. Au cœur de la ville, ses joies et ses douleurs prennent vie : la grande crue de 1910, les exécutions de la Révolution, les combats vikings ou les premiers pas vers la modernité. C’est là toute l’essence de Paris, où la joie et la terreur s’entrelacent, et où le passé murmure à travers chaque pierre.
« L’idée, c’est de découvrir 2 000 ans d’histoire à travers le regard d’un Parisien de l’époque », explique Adrien Sadaka. Et les réactions des Parisiens d’aujourd’hui ne se sont pas faites attendre, « Un Parisien qui emprunte ces quais tous les jours ne les regarde plus jamais de la même façon. On voit la ville autrement », conclut-il.
Pour paraphraser le général de Gaulle, dont la voix résonne à la fin du parcours : Paris n’a pas seulement été outragé, martyrisé et libéré, il est aujourd’hui ressuscité.
« Les Origines de Paris », à découvrir à partir de mercredi 25 juin et jusqu’en septembre 2025.
Pour vous inscrire, rendez-vous sur le site.
Plein tarif : 28 euros
Tarif réduit : 24 euros (étudiants, seniors, demandeurs d’emploi, pass Culture, carte invalidité),
Tarif enfant (8-15 ans) : 19 euros