Pont du Gard | « Regards sur le Pont », une exposition évènement pour les 40 ans du monument à l’UNESCO

Juin 22, 2025 | Gard

40 ans que le Pont qui séduisit Rousseau et Stendhal est inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, à l’instar des temples syriens de l’antique Palmyre ou des lacs salés de Yellowstone (visibles dès l’accueil rive gauche). Cela valait bien un petit recensement des artistes qui l’ont choisi comme motif de dialogue et de rencontre avec le génie des bâtisseurs du passé.

En ce temps-là, on faisait du solide, de l’équilibré et de l’élégant au-delà de la fonctionnalité usuelle. Ainsi une carte blanche a-t-elle été confiée à Raymond Depardon, l’homme grâce à qui on ne verra plus jamais les Urgences, les Paparazzi Reporters ou les Commissariats Fait divers) de la même manière. Réalisateur émérite, Depardon est surtout connu pour ses documentaires photographiques et, pour ce qui nous concerne de plus près, le Monde rural, La terre des paysans, les communes de l’arrière-pays méditerranéen.

Pour le Pont du Gard, ses quelques clichés s’accommodent des extrêmes, une plage animée baignée de chair fraîche estivale et de lumière solaire (l’art de s’approprier un lieu), simple toile de fond pour des touristes blasés, ou au contraire dans la solitude absolue de l’arrière-saison, avec des effets de miroir auquel nul n’a droit de regard sinon le photographe à l’affût, superbe et immémorial, dans sa pleine majesté. Ou encore en noir et blanc dans un autoportrait « en plein tournage », l’homme et le monument, l’artiste solitaire et les milliers d’anonymes.

L’exposition de la salle temporaire ne se limite pourtant pas à des photographies. Un graveur du XVIe siècle n’a pas raté l’occasion de rendre hommage, dans la continuité de l’esprit renaissant, à la merveille romaine. Ainsi les générations se sont succédé. Par exemple En pleine Restauration, au XIXe siècle, Christophe Jusky représente en grande pompe la visite d’une duchesse rescapée des troubles révolutionnaires et impériaux. Plus modestement, le peintre nîmois Félix Hippolyte Lanoüe le saisit à distance, avec pour prétexte une discrète scène de pêche. Les modes passent et le pont du Gard demeure. Mérimée et la sauvegarde des sites sont passés par là. La modernité se rapproche à grands pas grâce à la présence et au coup d’œil du conservateur du musée de Bagnols que fut Albert André, proche des Nabis. Puis Bernard Buffet et ses grands traits définissant un style que l’on a qualifié un peu abusivement d’existentialiste, que l’on a enterré un peu trop vite, mais qui semble sortir du purgatoire. Plus près de nous, James Turell, le maître de la lumière, présent avec une aquatinte et dont on se rappelle les sublimes éclairages, jusqu’à la nuit noire, des arches du Pont.

L’incontournable Viallat, présent avec une toile libre en grand format, qui a eu naguère les honneurs d’une expo personnelle en ces lieux prestigieux. L’inclassable Gérard Lattier enfin, avec ses petites peintures narratives qui rappellent l’art des ex voto. N’oublions pas le caricaturiste Albert Dubout, croquant une famille comme il sait les dessiner, ironiquement, en extase devant la majesté du monument, ni Eddie Pons qui réalise un dessin spécialement pour cette présentation. On voyage ainsi dans le temps et les regards, l’histoire des supports aussi et les disciplines artistiques et l’on réalise de la sorte combien les artistes peuvent apporter à notre approche d’un lieu.

A cet égard, tous ceux qui ont œuvré pour donner au site l’aspect qu’il a aujourd’hui ne sont pas oubliés, architectes et scientifiques, paysagistes et designers puisque les objets touristiques sont aussi à l’honneur. Lieu de croisement et de rencontre, le Pont du Gard a attiré des artistes fascinés par ses formes et sa situation. Il abrite à présent les témoignages laissés par ces mêmes artistes au flot perpétuel des touristes au fil des siècles et des décennies. Eux aussi, les touristes passent, les artistes demeurent. On peut même découvrir leurs œuvres, rassemblées le temps d’un été, et de regards divers sur le pont…

BTN

Plus d’infos : pontdugard.fr
Photo : © Raymond Depardon