C’est une histoire d’amitiés, de réseaux et, donc, de business. Avec Bordeaux fête le vin, c’est toute une géopolitique du vignoble qui se (re) joue chaque année sur les quais. Où se révèle une mécanique d’invitations et de partenariats utiles au monde du tourisme ou de l’économie du vin, forcément liés dans un vignoble qui accueille 2 millions d’œnotouristes chaque année, avec l’enjeu de créer de nouveaux marchés à l’export pour les vignerons locaux. Quand le maire de Fukuoka, la ville jumelle japonaise de Bordeaux invitée officielle de cette édition, est venu à Bordeaux, « il a fait deux photos de la ville et 50 d’étiquettes de vin », sourit un élu. « C’est bon signe. »
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Vendredi matin, c’est carrément le secrétaire au commerce et le développement économique de Hong Kong, Algernon Yau, qui profitait de son passage à Bordeaux pour rencontrer des entrepreneurs à la CCI (dont des producteurs de cognac), sur fond de développement des échanges avec la région autonome de Chine malmenée par le Covid. Un partenaire soigné par les Bordelais : une version de Bordeaux fête le vin s’y tient chaque année depuis 2009, Vinexpo s’y installe en 2026, alors que le marché chinois reste le premier à l’export (40 %).
Tireuses à vin
« À Hong Kong, la gamme des bordeaux représente 65 % de la valeur des vins importés », contextualise Allan Sichel, le président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB). On peut le voir parler export avec une délégation japonaise ou de ces fameuses tireuses à vin dans les festivals rock à une influenceuse parisienne, tout en accueillant un groupe d’invités québécois. Dont Sichel rappelle que la Société des alcools de Québec, qui détient le monopole du commerce des boissons alcoolisées sur tout le territoire, « est notre premier client mondial ». Ainsi va la promotion du vignoble, sans frontière ni tabou.
Dans un marché mondialisé instable, « tout ce travail de fond permet d’ouvrir des portes », résume Christophe Château, le directeur de la communication du CIVB et commissaire de la fête du vin et de ses déclinaisons à l’étranger – Hong Kong, Liverpool, Bruxelles, etc. « Le vin est une vraie force diplomatique, un vrai atout. » Ce que confirme le maire de Bordeaux, quand il s’emploie aussi à « faire connaître notre savoir-faire » et d’« ouvrir de potentiels marchés ». Pierre Hurmic ne boude pas cette discrète « diplomatie des villes » à l’œuvre « sous les radars » du Quai d’Orsay.
Échanges de maire à maire
Quitte à oublier sa promesse de ne jamais prendre l’avion, l’écologiste aura pas mal sillonné le monde en cinq ans, soucieux de ces échanges de maire à maire, autant d’opportunités de partager des expériences en matière de gouvernance – urbaine, environnementale ou économique.
Ainsi, les ambassadeurs de Fukuoka ne viennent pas seulement vendre aux amateurs de vin leur destination de jolie ville de plus d’un million d’habitants au sud de l’archipel du Japon. Des chefs locaux ont pu rencontrer des producteurs et les maires faire fructifier ce vieux jumelage quadragénaire, nourri d’échanges d’expériences en matière de végétalisation ou de constructions en matériaux durables… tout en partageant une soirée devant la demi-finale de l’UBB, samedi soir.
ESS, solaire et Unesco
En avril, « à Los Angeles, la maire avait très à cœur de montrer une autre image de l’Amérique que celle de Trump », résume Hurmic. Lui, flanqué d’une délégation d’acteurs économiques, a fait la promotion du vignoble, tout à sa formule répétée à l’envi : « Je suis le maire de Bordeaux et du bordeaux. » « Pour le rayonnement de la ville de Bordeaux, ça compte. » Pour sa stature politique de successeur d’Alain Juppé, aussi.
À Séville, Hurmic avait pris sa casquette de président du Forum mondial de l’Économie sociale et solidaire (ESS) et plaidé « avec acharnement » pour sa reconnaissance internationale. Et sa présence – à ce titre – à la tribune de l’ONU en juillet 2022 pour un même plaidoyer pour intégrer l’ESS dans les objectifs de développement durable internationaux reste son « meilleur souvenir de maire ».
« On a plus de poids »
Pierre Hurmic nourrit aussi d’« excellentes relations » avec le maire de Québec, Bruno Marchand, par ailleurs président des villes du patrimoine mondial de l’Unesco. Tous deux travaillent à faire « changer les règles » en matière de solarisation des villes protégées. « On a plus de poids quand on se réunit à plusieurs maires. »