Alors que le Musée national d’art moderne continue à accueillir le public pour des expositions temporaires, à l’approche d’une fermeture complète le 22 septembre 2025 pour cinq ans de désamiantage et de restauration, le chantier du déménagement est déjà bien avancé.
Du sous-sol au dernier étage sur dix niveaux, quelque 120 000 tableaux, sculptures, gravures, dessins ou photographies sont habituellement conservés au sein-même du bâtiment.
Publicité
Un cap vient d’être franchi, à la mi-juin, dans les salles dédiées à la collection permanente : les niveaux 4 et 5, inaccessibles au public depuis le mois de mars. Les espaces et cimaises sont méconnaissables. La plupart des murs sont blancs ou noirs, inoccupés. Il ne reste plus en effet qu’une poignée d’œuvres à déplacer, après la mise en caisse de l’imposant tableau de Fernand Léger, Composition aux deux perroquets, à l’issue d’une rare opération d’enroulage de la toile.

« L’opération implique la présence de personnes habiles et assurées de leurs mouvements »
Le tableau monumental de Fernand Léger, Composition aux deux perroquets, est une des dernières œuvres décrochées, au niveau 5 du Centre Pompidou. Opération rare et délicate, l’immense toile de 4 mètres de haut et près de 5 mètres de large, démontée de son châssis est soigneusement enroulée dans un grand cylindre en bois.
« Lorsqu’on a de très grands formats, cela nous permet de les stocker plus aisément. En l’occurrence, la toile de Fernand Léger comporte des fragilités inhérentes. La mettre sur rouleau est aussi une mesure préventive pour sa conservation« , explique la restauratrice peinture au Centre Pompidou, Elise Chardon-Marchetto. Elle fait partie du groupe de cinq personnes à la manœuvre : « C’est une opération délicate qui implique la présence de personnes qui sont habiles et assurées de leurs mouvements« .

Il faut que la toile soit bien roulée dans le tyvek, matériau indéchirable de référence pour la protection et l’emballage des œuvres, souligne Elise Chardon-Marchetto : « Là, ça a marché du premier coup. Nous sommes donc très contents. La toile est bien lisse et bien plaquée contre le cylindre.«

« Toutes les œuvres rentrent au millimètre dans les caisses »
Sa mise en caisse, sous la direction du chef d’équipe de la société spécialisée LP Art, Jean-Yves Bordere, est la dernière étape :
« Chaque œuvre a des dimensions particulières. Cette caisse, comme toutes les caisses, est donc faite sur mesure. Nous avons un service de caisserie chez nous. Des métreurs viennent prendre les côtes des œuvres. C’est presque une science ! Toutes les œuvres sont sur mesure. Toutes les œuvres rentrent au millimètre dans les caisses. Toutes les œuvres sont toujours calées, que ce soit une sculpture ou un tableau. Il n’y aura jamais une œuvre qui bouge dans une caisse.«

Et la mise en caisse du tableau de Fernand Léger dans ce niveau 5 du Centre Pompidou, quasiment vide après trois mois d’opérations, signe la fin déjà d’un grand chantier pour Hugo Perez, attaché de collection en charge de la coordination du déménagement :
« C’est un moment clé, parce que l’immense majorité des œuvres ont été décrochées puis emballées. Cela marque vraiment la fin du déménagement pour nous, au niveau 5. Et comme cela fait un volume de caisses énorme avec environ 700 œuvres décrochées, on ne peut pas tout faire partir d’un coup. On les stocke donc sur place dans un premier temps pour ensuite les faire partir dans nos réserves. »

Et il y a, précise-t-il aussi, « un code couleur su chaque œuvre. Il y a le jaune pour l’encadrement, le bleu pour les prises de vue, le rouge pour les départs imminent en prêt et il y a le vert qui est pour la restauration.«

« Ce déménagement, c’est une opération à plein de tiroirs, avec des embranchements qui vont partout »
Les quelque 1 500 œuvres de la collection permanente, habituellement accrochées aux niveaux 4 et 5, sont donc conservées sur place, transportées dans des réserves tenues secrètes, ou prêtées à d’autres musées pour des expositions. « Ce déménagement, c’est une opération à plein de tiroirs, avec des embranchements qui vont partout. C’est un chantier titanesque« , affirme la directrice adjointe du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou en charge des collections, Jeanne Brun :
« L’essentiel des collections du Centre Pompidou sont dans le bâtiment lui-même. Nous avons ici 120 000 œuvres. C’est le déménagement du siècle pour le Centre Pompidou. Ce sont plusieurs chantiers qui finalement doivent se superposer, se coordonner les uns aux autres. Mais c’est effectivement en ce moment que s’achève le déplacement des œuvres de ces niveaux du musée qui étaient les plus urgentes à déplacer, celles qui était demandées pour des expositions à Lille, à Metz et à Monaco, pour que les collections continuent de rayonner, d’être représentées, d’être valorisées dans des contextes différents. Ensuite, nous avons déplacé les œuvres les plus faciles à sortir, à mettre en caisse. C’est très frappant parce que les espaces sont presque vides. On a l’impression que le travail est presque achevé. Mais il nous reste plusieurs mois de travail, avec les très grandes installations qui restent dans les espaces du Centre Pompidou.«

Ces œuvres les plus monumentales, comme les vitrines de l’artiste allemand Anselm Kiefer et Le Pot doré de Jean-Pierre Raynaud vont fait l’objet d’un déménagement exceptionnel, par grutage. Cela nécessitera une dépose d’une partie des baies vitrées du Centre Pompidou d’ici fin septembre, d’ici la fermeture du bâtiment au public le 22 septembre 2025.

À lire aussi
Les Nuits de France Culture
34 min