« En juin 2026, on souhaite tester comment la barque évolue sur l’océan en tentant une traversée entre le continent et l’île d’Oléron, par le chemin le plus court », précise Jean-François Mariotti, invitant les téméraires à se joindre à l’expérience.
Samedi 14 juin, dans le cadre des Journées de l’archéologie, l’archéologue, accompagné de Camille Léret, charpentier de marine, et Nicolas Bernier, président de l’association La Caravane du ponant, troupe de reconstitutions médiévales, ont raconté l’histoire de la « Mona », réplique de barque du VIIe siècle, des techniques de construction navale et de la vie à Saintes à l’époque mérovingienne.
« C’est rare »
Comment est née la « Mona » ? Tout part de la découverte de trois épaves au fond du fleuve Charente au début des années 2010. Deux du côté du Priouté, un lieu-dit de Port-d’Envaux, au nord de Saintes, et une troisième à Taillebourg, quelques kilomètres en amont. « Ces trois bateaux datent du VIIe siècle, indique Jean-François Mariotti. Ce sont des « sister-ships », des embarcations jumelles avec le même type d’étrave, la pièce qui termine la coque vers l’avant, et toutes trois à fond plat. »
L’épave n° 1, longue de 6,40 m et large de 2,20 m, est retrouvée conservée à 80 %. « C’est rare », abonde l’archéologue. Grâce aux deux autres épaves, moins bien conservées, mais contenant des informations complémentaires sur sa structure, l’idée de fabriquer une réplique en se basant sur une synthèse des trois reliques a fait son chemin.
Le projet de reconstitution est lancé en 2016 par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Nouvelle-Aquitaine et le service d’action culturelle et territoriale, en partenariat avec l’Association pour la recherche et l’étude du patrimoine maritime et fluvial (Arepmaref), la commune de Tonnay-Charente, la Croix-Rouge via son centre médico-éducatif (IMPro) et le centre social (CAP) de Tonnay-Charente. La construction a pris deux ans et la barque a été inaugurée le 14 juillet 2024, lors de la Fête du fleuve de Tonnay-Charente.
Bateaux carriers ?
Quelle était la capacité de charge ? Quel était le moyen de propulsion ? Vent ? Courant ? Outre les rivières, sur quelle zone nautique pouvait-elle naviguer ? Lac ? Océan ? « L’archéologie expérimentale essaie de répondre à ces questions, poursuit Jean-François Mariotti. Voilà pourquoi on veut tenter d’aller jusqu’à Oléron avec. »
Sur le contexte historique, Nicolas Bernier nous apprend qu’à la période des bateaux – l’épave n° 3 a été datée entre 621 et 629 de notre ère – c’était donc les Mérovingiens qui gouvernaient. « Si on fait un zoom sur Saintes et la Charente, on sait qu’il y avait beaucoup de poissons dans ce fleuve, indique le président de la Caravane du ponant. Des anguilles et des brochets qu’on pouvait déguster dans les estaminets et les auberges de Saintes et ses alentours. »

É. L./SO
Les fouilles subaquatiques à Saintes ont notamment mis au jour des pêcheries en V (installation avec des pieux qui permettaient de piéger les poissons). « On sait aussi qu’il y avait plein de moulins à eau, poursuit le jeune historien. Et puis, il y avait des carrières de pierres dans le secteur de Taillebourg notamment. » Et si ces bateaux à fond plat servaient à transporter ce type de cargaison ? « Lors des fouilles subaquatiques, on a retrouvé des pierres taillées à côté des épaves. L’hypothèse est que c’étaient des bateaux carriers. »
L’eau et le feu
Autre question, qui s’est posée dans le projet de réplique : quelles techniques étaient utilisées pour la construction d’une telle barque ? Là, c’est Camille Léret, charpentier de marine, qui nous a éclairés. « Il a d’abord fallu trouver le bois nécessaire à la fabrication. Les branches et troncs devaient avoir un angle à 36°, avec un diamètre suffisant. »
Aidés d’herminettes, de doloires, les charpentiers ont réussi à reproduire la coque de la barque, non sans mal. « Pour construire le bordé, on a accéléré en utilisant des méthodes plus modernes, confie le Rochefortais. On sait aussi que pour ployer le bois, ils mouillaient le bois et le faisaient chauffer sur le feu. Il fallait être vigilant ! »

É. L./SO
Vient ensuite le calfatage, la technique pour étanchéifier la coque en remplissant les espaces entre les planches avec de la corde. « On a utilisé du chanvre filé et du goudron de Norvège, qui était de la résine de pin chauffée, expose Camille Léret. Nous n’avons pas de preuve historique sur le matériau utilisé à cette époque. De la mousse ? Du chanvre ? » En revanche, pour le mât, les éléments recueillis leur ont permis de savoir que le mât était amovible, vu l’emplanture. Rendez-vous en juin 2026 pour la suite de l’expérimentation avec la traversée vers Oléron…