Ils étaient plus de 1 300 jeudi 12 juin à Paris pour exprimer leur désaccord et leur ire aux pouvoirs publics. Déjà mal en point, l’archéologie préventive est en plus en danger avec l’amendement déposé par des députés Horizons à l’Assemblée récemment. S’il était confirmé mi-juin, « cela permettrait la destruction de notre patrimoine et amputerait l’archéologie préventive d’une grande part de son activité », écrivent les organisations syndicales de la profession. Jean-Philippe Baigl, archéologue à l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), basé à Saintes, éclaire sur ce mouvement de grève, qui coïncide avec les Journées de l’archéologie ce week-end.
Tout d’abord, pouvez-vous expliquer le principe de l’archéologie préventive ?
Au départ, il y a un projet d’aménagement et la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) va prescrire. Pas à chaque fois mais, quand ce sont des grandes surfaces, c’est systématique. Quand on fait une autoroute ou une ZAC de 30 hectares, on sait que l’on va traverser des sites, que l’on va trouver quelque chose et on a besoin d’un diagnostic. Pour les plus petites surfaces, ce n’est pas automatique. Mais si on prend l’exemple de Saintes, sur son périmètre, même pour quelqu’un qui fait une piscine ou qui agrandit sa maison, il y aura un diagnostic parce qu’on est dans l’emprise de la ville antique que l’on connaît bien. L’État va regarder en disant : « Est-ce que les vestiges sont impactés par le projet ? » Si on creuse à 1 mètre pour faire un parking, les vestiges ne seront pas touchés. Inversement, si on sait que le projet va les détruire alors on va procéder à des fouilles préventives.
Pour quelles raisons les archéologues et plus largement les professionnels du secteur se sont rendus à Paris pour manifester ?
En plus des archéologues de l’Inrap, des prestataires privés, les services régionaux de l’archéologie, c’est-à-dire de la Drac, qui sont des agents prescripteurs de l’État, il y avait aussi des enseignants universitaires, des étudiants. Ce qui les mobilise, c’est la remise en cause même de la loi sur l’archéologie préventive. Cette loi de 2001, revue en 2003, permet d’assurer la détection, la conservation et l’étude des sites archéologiques avant qu’ils ne soient détruits. C’est du préventif, donc à chaque fois, on intervient sur des choses qui seront forcément détruites. C’est irrémédiable.
Cette loi, qui est une référence en Europe, voire dans le monde, fonctionne bien. Les aménageurs vont payer le coût de la fouille et les diagnostics, qui nous permettent de repérer les sites et ainsi de prévoir le volume de moyens utiles à la future fouille. Cette loi est financée par une redevance sur l’archéologie préventive, payée par tous ceux qui font des aménagements. Même des particuliers. Et donc en 2023, 190 millions d’euros de taxe ont été collectés. Là où le bât blesse, c’est que 50 millions n’ont pas été reversés pour assurer nos missions. Ce n’est pas normal.
« Sans archéologie préventive, pas de fouilles et donc pas de découvertes majeures »
Il existe un projet de loi sur la simplification de la vie économique qui a récemment remis en cause le principe d’archéologie préventive via un amendement déposé. Qu’en est-il exactement ?
Là, c’est encore plus grave. Henri Alfandari, député Horizons, a déposé un amendement avec un groupe de trois autres députés de son camp. L’article 15 bis C, issu de cet amendement, vise à élargir les types de projets éligibles à la qualification de « projet d’intérêt national majeur » et à les exempter de toute étude d’impact y compris en matière de patrimoine archéologique. Par exemple, pour aller plus vite, on pourrait dire sur un tracé de ligne de TGV, sur les grosses opérations d’intérêt national, on ne fait pas de diagnostic. Et là, ça remet en cause tout le sens même de l’archéologie. Sans archéologie préventive, pas de fouilles et donc pas de découvertes majeures. Faire passer l’intérêt économique avant l’intérêt du patrimoine, c’est scandaleux !
Pétition en ligne sur change.org « Sauvons le patrimoine archéologique »