« L’année dernière, à cette époque, on était quatre » : il y a un an, le terrible accident de Coligny à La Rochelle

Juin 4, 2025 | Royan

Elle était passionnée d’équitation, jouait de la flûte traversière, avait commencé le tennis et adorait passer du temps avec sa bande de copains. Margot, 10 ans, était une petite fille « active », « curieuse », « brillante » et « généreuse ». Le 6 juin 2024, la vie de Margot s’est arrêtée. La veille, la fillette était mortellement fauchée par une automobiliste de 83 ans, alors qu’elle participait à une sortie périscolaire avec un groupe de onze enfants avenue Coligny à La Rochelle. Six d’entre eux, âgés de 7 à 11 ans, étaient blessés dans l’accident, dont plusieurs grièvement. À l’heure de ce « triste anniversaire », la maman de Margot, Camille Paineau, a accepté de s’exprimer, avec pudeur et dignité, sur ce qu’elle traverse aux côtés de son conjoint Julien et de leur fils Clovis, 5 ans.

Outre le décès de la petite Margot, six enfants ont été blessés dans l’accident le 5 juin 2024.
Outre le décès de la petite Margot, six enfants ont été blessés dans l’accident le 5 juin 2024.
Archives Jean-Christophe Sounalet/SO
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Il y a un an, Margot perdait la vie. Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

On ressent beaucoup de tristesse. Et de l’incompréhension. Au lendemain de l’accident, la Ville de La Rochelle avait dit que des aménagements provisoires seraient réalisés avenue Coligny l’été suivant. Ces engagements n’ont pas été respectés. Cette rue, je la prenais souvent à vélo, elle était dangereuse, je roulais toujours sur le trottoir. C’est une artère qui mène à la plage d’un côté, au centre-ville de l’autre. Il y a une école à proximité. Ma fille aurait pu y passer à la rentrée prochaine pour aller au collège. Depuis l’accident, je ne suis retournée qu’une seule fois avenue Coligny. Je suis incapable d’y repasser. Je fais tout à pied maintenant. Je ne suis jamais remontée sur un vélo.

Vous avez pris la délicate décision du don d’organes, ce qui a permis de sauver de nombreux enfants.

Margot l’avait évoqué quelques semaines avant l’accident, elle avait vu une pub. Elle était comme ça, généreuse. Nous n’avons fait que suivre sa volonté. Finalement, ça change quoi, une fois que c’est fini ? C’est quelque chose dont il faut parler, même si, non, ça ne console pas.

Dans un mois, le 1er juillet, la conductrice sera jugée devant le tribunal correctionnel de La Rochelle pour homicide et blessures involontaires. Qu’en attendez-vous ?

Nous voulons qu’elle prenne conscience de ce qu’elle a fait, je veux vraiment qu’il y ait une reconnaissance de son incapacité à conduire.

Elle évoque un malaise au volant, ce qui est considéré comme une abolition du discernement. Ça la rendrait pénalement irresponsable.

C’est sa ligne de défense. Pour rappel, elle remontait la rue à contresens. Ce n’est même pas qu’une histoire de tourner le volant. Des témoins l’ont vue rouler à contresens bien avant, donner un coup à gauche et puis un autre. On ne fait pas un délit de fuite sur plusieurs centaines de mètres quand on fait un malaise [la conductrice a été arrêtée par un témoin plusieurs mètres après l’accident, NDLR]. Je sais que le risque d’une relaxe existe. Mais c’est inimaginable pour nous.

Vous a-t-elle contactés ?

Non. Elle n’a pas non plus fait passer de message par des intermédiaires. On aurait juste souhaité voir à quoi elle ressemble, puisqu’elle fait toujours ses courses dans le quartier. On la croise peut-être tous les jours sans le savoir. Je n’irais pas lui parler, mais je changerais de trottoir. Les commerçants nous rapportent qu’elle se dit dévastée. Elle n’a pas l’air de faire preuve d’empathie…

Le 3 juin, l’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture la proposition de loi visant à créer un délit d’homicide routier. Le terme est plus approprié qu’homicide involontaire, selon vous ?

Le terme de « involontaire » est difficile pour nous. Même si la conductrice n’a pas souhaité la mort de notre enfant, elle a quand même tué notre fille avec sa voiture. Homicide routier, c’est mieux.

Vous faites partie du collectif Sauver des vies, c’est permis, pour la mise en place de visites médicales d’aptitude à la conduite pour tous les conducteurs en France. Vous êtes en contact avec la para-athlète Pauline Déroulède. C’est un combat ?

C’est quelque chose que je me dois de mener. Je veux faire partie de l’aboutissement de cette loi, qui ne concerne pas que les seniors. Il y a plein de moments dans notre vie où on peut se retrouver en incapacité de conduire. Je le fais parce que je suis, évidemment, touchée personnellement par ça.

Avez-vous prévu de faire quelque chose en particulier demain ?

Non. Ma notion du temps est perturbée. J’ai réalisé il y a seulement deux jours que c’était la date de l’accident cette semaine. Je n’arrive pas à me projeter. Ce qui nous tient, c’est notre petit garçon, Clovis. Margot et lui étaient très complices et fusionnels. Il a dû trouver de nouveaux repères. L’année dernière, à cette époque, on était quatre. Sans le savoir, les minutes étaient comptées jusqu’au lendemain, 10 h 30.